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Frais accessoires : toujours pas simple, un an plus tard

Alain Vadeboncoeur – Revue l’actualité – 9 février 2018

Les frais accessoires pour des services de santé assurés sont abolis depuis maintenant un an. Mais je reçois encore souvent des questions à leur sujet et les gens semblent plutôt mélangés. Alors, qu’est-ce qui peut être facturé ou non en 2018 par les médecins ?*

Malheureusement, la réponse n’est pas simple.

D’abord, quand on parle de « frais accessoires », je rappelle qu’il ne s’agit pas de l’ensemble des frais qu’un médecin peut (ou non) facturer aux patients, mais bien de ceux qui sont interdits parce qu’ils sont associés à des services assurés. De fait, ils sont proscrits depuis… bien longtemps, mais de manière encore plus nette depuis que le ministre Gaétan Barrette a promulgué la loi en janvier dernier.
Ces frais étaient facturés par les médecins en plus des services médicaux couverts par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). L’exemple le plus célèbre est celui des gouttes pour les yeux, qui a donné lieu à un recours collectif remporté par les patients.

S’il est vrai que les médecins pouvaient réclamer, en fonction des ententes avec les fédérations, le remboursement des frais liés à l’utilisation de certains médicaments et fournitures, les prix faramineux demandés pour ces gouttes ont, sans jeu de mots, fait déborder le vase. C’est maintenant chose du passé — bien que certaines cliniques soient accusées de contourner l’abolition des frais en compensant avec d’autres services (examens complémentaires) non assurés.

Mais qu’entend-on par services assurés ? Ce sont tous les services médicaux qui sont couverts par notre assureur public, la RAMQ, à l’exclusion de quelques exceptions, comme les scans et les résonances magnétiques nucléaires réalisés hors des établissements, que le ministre souhaite justement réintégrer dans la couverture publique d’ici les prochains mois.

En clair, pour un tel service assuré, le médecin qui participe au régime d’assurance public (certains médecins en sont sortis) ne peut facturer aucuns frais supplémentaires aux tarifs négociés entre le gouvernement et les fédérations. Ce qui couvre beaucoup de choses, comme nous allons le voir. Mais la possibilité de facturer certains frais existe toujours.

Des frais permis ou non

De manière générale, le médecin ne peut facturer de frais pour les « démarches administratives » relatives à un service assuré. Par exemple, il est interdit de facturer pour l’ouverture d’un dossier médical en clinique, puisque cette ouverture fait partie des services assurés.

Par contre, un médecin peut facturer pour un rendez-vous manqué par un patient, puisqu’il ne s’agit pas de « frais liés à la [prestation] de services assurés ». En clair, comme aucun service n’a été rendu, il est difficile de parler de service assuré.

Des conditions doivent cependant être respectées : il doit s’agir de la politique officielle de la clinique, annoncée aux patients, et l’annulation doit survenir dans les 24 heures précédant le rendez-vous. J’ignore si cette manière de procéder est répandue, mais il me semble que ça doit être un peu complexe à appliquer.

Le médecin peut-il facturer pour renouveler une ordonnance médicale ? Oui et non, cette fois. Si ce renouvellement est effectué dans le contexte d’une visite au médecin comportant un service assuré (un examen médical est un service assuré), il est interdit de facturer pour ce renouvellement, qui fait partie de ce service assuré.

Par contre, il est possible pour le médecin de facturer pour un tel renouvellement s’il n’y a pas eu de visite médicale ou encore si ce service est le seul rendu lors d’une visite au médecin. Comme on le voit, la distinction est mince.

Pour ce qui est des formulaires médicaux, un certain nombre d’entre eux sont entièrement couverts par le régime d’assurance maladie.

Voici la liste fournie par la RAMQ :

la constatation de décès ;

l’examen médicolégal des victimes d’[agressions sexuelles] ;

l’examen exigé en vertu de la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui ;

l’examen exigé en vertu de la Loi sur le curateur public ;

l’examen exigé en vertu de la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles (sauf le nouvel examen exigé par le ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale) ;

l’examen exigé en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse ;

le formulaire de demande d’autorisation en plastie ;

les formulaires relatifs aux mesures des médicaments d’exception et du patient d’exception.

Pour tous les autres formulaires, par exemple des billets d’absence, d’attestation de présence en clinique (ou à l’hôpital), d’arrêt de travail (sauf ceux liés à la CSST), bref, tout ce qui n’est pas explicitement couvert par l’assurance maladie, le médecin peut facturer des frais.

Selon la loi, il faut toutefois que la grille des frais soit placée bien en vue dans la clinique ou l’hôpital. De même, pour les formulaires d’assurance destinés à un assureur privé, à un employeur ou à la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), le médecin peut facturer le patient.

Comme on l’a déjà mentionné, la constitution d’un dossier médical fait partie de la prestation de soins, et les frais encourus ne peuvent donc être facturés aux patients. Ce qu’on sait moins, c’est que la reproduction d’un tel dossier ne peut non plus faire l’objet de frais.

Ainsi, qu’on parle de numérisation, d’un résumé, de photocopie, de télécopie (le fax est encore très utilisé dans le réseau de la santé…!) ou de transfert, les frais sont interdits lorsqu’ils sont liés à la prestation d’un service.

Lorsque de telles copies sont demandées d’un hôpital à l’autre, ou encore par une clinique, un médecin ou un autre professionnel de la santé, ce qui arrive fréquemment, les frais encourus font partie du service et ne sont donc pas facturés aux patients. Par contre, lorsque de telles copies sont demandées par d’autres organisations, notamment un assureur privé, un employeur ou encore la SAAQ, ou lorsque le patient désire une copie de son dossier et que cela n’est pas médicalement requis ou encore lié à un service assuré, des frais peuvent être réclamés au patient.

Je l’admets, tout cela est un peu mélangeant.

Médicaments et fournitures

Alors que le remboursement des frais pour les médicaments utilisés lors des soins en clinique (comme les fameuses gouttes) était auparavant permis en fonction des ententes avec les fédérations, il n’est plus possible pour le médecin ou la clinique de facturer de tels frais. Cela comprend « les médicaments, les agents anesthésiques, les fournitures et les équipements utilisés lors de la [prestation] d’un service assuré ».

Par exemple, l’azote liquide, lorsqu’il est utilisé pour un service assuré, ne peut être facturé au patient. Dans les établissements publics (hôpitaux, CLSC, CHSLD), les médicaments continuent d’être couverts, comme ils l’ont toujours été.

Par contre, les produits ne sont pas couverts lorsque le service n’est pas assuré. Ainsi, les produits utilisés pour scléroser les varices doivent être payés par le patient, puisqu’il ne s’agit pas d’un service assuré.

Étant donné que les cliniques ont souvent changé leurs pratiques à la suite des changements législatifs, certains produits, comme ceux utilisés pour les infiltrations (par exemple la cortisone), ne peuvent donc pas être facturés. Pour continuer à pratiquer les injections, le médecin peut toutefois demander au patient de se procurer lui-même le produit à la pharmacie, sous ordonnance, et de l’apporter à la clinique.

Il ne peut cependant demander au patient, après coup, de se procurer le médicament pour remplacer celui utilisé. La mécanique est tout de même un peu complexe. De même, il ne peut demander au patient de fournir le matériel requis pour procéder à l’injection, la trousse d’injection étant incluse dans le service offert.

C’est la même chose pour les stérilets, sauf après une interruption volontaire de grossesse (IVG). Le médecin ne peut pas non plus facturer au patient les plâtres « modèle de base », mais peut facturer la différence lorsqu’il s’agit d’un plâtre « haut de gamme » (ce sont les termes employés sur le site du ministère de la Santé et des Services sociaux), en fibre de verre, par exemple. Pour les attelles, la situation est la même.

La seule exception à la loi, pour ce qui est des services offerts, touche le transport des échantillons biologiques prélevés en clinique, dont les frais peuvent toujours être facturés au patient (15 dollars s’il s’agit de sang, 5 dollars pour les autres). La logique de cette exception n’est pas tout à fait claire, mais un juriste m’a expliqué que c’est par l’adoption de ce règlement constituant une exception à la loi que cette même loi a pu entrer en vigueur.

Retenez qu’en général, lorsque les services sont liés à des soins couverts par la Régie de l’assurance maladie du Québec, les frais ne peuvent être imputés aux patients. Et si vous jugez que des frais accessoires vous ont été facturés sans raison, il existe des recours, notamment à la RAMQ. C’est à vous d’y voir.

* Je transmets surtout dans ce texte un résumé de l’interprétation fournie par la RAMQ afin d’informer les gens sur les pratiques actuelles. On peut ou non être en accord avec ces pratiques.

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