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La maison des aînés existe déjà

Isabelle Porter – Le Devoir – 1 décembre 2018

Situé au bout d’une petite rue résidentielle, le CHSLD de Sainte-Perpétue paraît plutôt conventionnel au premier abord, avec ses deux bâtiments aux allures de grands bungalows. Or à l’intérieur, on s’y sent un peu comme dans une maison. « C’est fait pour que quand tu arrives, tu ne voies pas la maladie », explique Josée Chouinard, directrice du soutien à l’autonomie des personnes âgées au Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Chaudière-Appalaches.

« Oui ! Josée Chouinard comme la patineuse… Je suis la deuxième Josée Chouinard la plus populaire du Québec », lance-t-elle en riant.

L’entrée de la résidence donne sur une grande pièce avec deux tables. Dans l’espace à aire ouverte, on voit, au fond, une cuisine en long et, sur la droite, la salle de télévision, où se bercent deux personnes. Le décor aux tons ocre et les meubles en faux bois ne sont pas du dernier cri. Mais l’endroit est chaleureux, les grandes fenêtres généreuses et l’éclairage tamisé et doux.

La plus grande différence avec un CHSLD ordinaire, « c’est le calme », précise Mme Chouinard, qui a pris part au projet dès le départ, il y a dix ans. Ici, les résidents ne se font pas réveiller le matin pour un déjeuner à une heure préétablie. Ils se réveillent à leur rythme et déjeunent quand ils sont prêts dans une véritable cuisine. Comme à la maison. « On n’entend pas de sonnette, il n’y a pas de mauvaises odeurs », ajoute-t-elle. Pour s’en assurer, les concepteurs ont créé des garde-robes « ventilées de l’intérieur » où sont mis les chariots contenant des couches souillées.

« Ça existe déjà »

Quelques jours après son entrée au gouvernement, la ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais, est venue visiter les lieux à l’invitation des fonctionnaires du ministère de la Santé. La « maison des aînés » qu’elle avait imaginée se trouvait devant ses yeux. « Je ne le savais pas, mais ça existe déjà », expliquait-elle en entrevue cette semaine. « Quand je suis rentrée, il y avait une cuisine à aire ouverte. Ça sentait la soupe chaude. L’atmosphère était comme dans une maison, mais c’était un CHSLD. »

Quand je suis rentrée, il y avait une cuisine à aire ouverte. Ça sentait la soupe chaude. L’atmosphère était comme dans une maison, mais c’était un CHSLD.

— Marguerite Blais

La CAQ a promis de construire trente maisons des aînés d’ici quatre ans grâce à des investissements de 1 milliard de dollars. « Les maisons des aînés, c’est le projet d’une génération », déclarait cette semaine le premier ministre Legault dans son discours d’ouverture de la législature. « Ce modèle, le gouvernement va le définir avec les spécialistes, les usagers et le personnel, et on va ensuite le mettre en oeuvre. »

Dans les plans de la CAQ, chacune d’entre elles compterait de 70 à 130 personnes. Or celle de Sainte-Perpétue est encore plus petite avec ses 32 résidents. Chaque bâtiment est conçu comme deux maisons jumelées comptant huit résidents chacune. Les préposés aux bénéficiaires sont responsables de moins de patients (huit au lieu d’une quarantaine ailleurs), mais ils se chargent de tout, gruau du matin compris.

Le modèle développé ici a été imaginé localement, au milieu des années 2000, par l’équipe du Centre de santé et de services sociaux de Montmagny-L’Islet. Ainsi, cette maison des aînés avant l’heure a été soutenue et financée, il y a dix ans, quand Philippe Couillard dirigeait le ministère de la Santé. « On arrivait au bon moment avec un projet comme ça », se rappelle Mme Chouinard.

D’autres endroits au Québec, comme le Centre CarpeDiem de Trois-Rivières ont développé le même genre d’approche, mais il s’agit le plus souvent de projets privés. Dans ce cas-ci, il s’agit d’un projet 100 % public.

Le CHSLD du secteur devait, de toute façon, être remplacé et la petite taille du projet rendait l’expérience possible. « On a demandé aux architectes à combien de pieds carrés on avait droit par personne », explique Josée Chouinard. Puis ils ont retiré des plans la salle de réunion, celle du médecin, de l’ergothérapeute, etc. « Ici, les soins vont se donner à la chambre. »

« Les accessoires pour donner les soins sont partout, mais on ne les voit pas », poursuit-elle en montrant le lit d’une pensionnaire, un lit électrique comme on en voit à l’hôpital, mais dont la tête n’est pas blanche, mais couleur peau. Au plafond, la rampe mécanique qui permet de soulever la personne et de la transporter jusqu’à la salle de bain se fond presque dans le décor.

Rêver de papillons

Près de la grande fenêtre, la pensionnaire a posé de petits personnages tricotés, dont un petit père Noël qu’elle a visiblement tricoté elle-même. La chaise, très basse, a été conçue pour qu’elle puisse profiter au maximum de la vue. La résidence est tout près du coeur du village, avec l’église en arrière-plan, la patinoire en face et les sentiers de motoneige qui passent à côté.

Quand on lui fait remarquer que cette approche coûte sûrement plus cher, Mme Chouinard répond que non, mais qu’il a vraiment fallu tenir tête aux architectes et ingénieurs au début du projet pour penser les lieux autrement. Par contre, les ressources humaines coûtent un peu plus cher ici pour le quart de nuit, puisque ce sont des petites unités. Ainsi, l’ancien CHSLD avait deux préposés pour quarante personnes, alors qu’il en faut le double à Sainte-Perpétue afin d’avoir quelqu’un dans chacune des quatre « maisons ».

Le projet s’est aussi heurté à une certaine résistance syndicale au départ, concède-t-elle. Certains préposés préféraient notamment s’en tenir au modèle classique du métier plutôt qu’à plusieurs tâches auprès d’un plus petit groupe.

Mais c’est un modèle qu’on peut reproduire ailleurs, assure Mme Chouinard. Elle « rêve » notamment de renouveler la formule à plus grande échelle pour un projet de 80 places à Montmagny. « Ça aurait la forme d’un papillon avec quatre ailes. »

Mais Montmagny n’est pas Montréal. « C’est sûr qu’en ville, l’enjeu, c’est le prix des terrains », note-t-elle. « Ça prendrait peut-être deux papillons l’un par-dessus l’autre… »

En attendant de superposer les papillons, Mme Chouinard répond à des questions. « Tout le monde m’appelle. Ils veulent s’inspirer de ce que Mme Blais a vu parce qu’elle en parle. » Avant Le Devoir, elle a fait visiter les bâtiments aux fonctionnaires du ministère de la Santé, à des délégations de Lanaudière et des Laurentides, et vendredi matin, elle s’entretenait au téléphone avec des cadres du réseau de la santé de l’est du Québec. Après tout, c’est la « deuxième Josée Chouinard la plus populaire du Québec ».

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