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Opinion Infirmières Il est urgent de revaloriser la profession

Paru dans La Presse du 7 mars 2018

Patricia Bourgault et Francine Ducharme, inf., Ph.D

Respectivement directrice de l’École des sciences infirmières et vice-doyenne aux sciences infirmières de la faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke ; doyenne de la faculté des sciences infirmières, Université de Montréal et six autres signataires*

La Presse+ rapportait tout récemment les propos du ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, affirmant que la formation des enseignants devrait être rehaussée à un deuxième cycle. Nous nous permettons de rêver à un discours similaire en regard d’un rehaussement de la formation des infirmières provenant des ministères de la Santé et de l’Éducation supérieure.
Ce rehaussement constitue, selon nous, qui nous nous appuyons sur de nombreuses études1, une solution à certaines difficultés de notre réseau de la santé. Revalorisation et satisfaction des infirmières, ainsi qu’attraction et fidélisation des infirmières à leur milieu d’emploi sont quelques exemples de conséquences positives de ce rehaussement.

Une question se pose ici : pourquoi cette stagnation dans la formation des infirmières alors que nos collègues de la santé ont accru leur niveau de formation et que les enseignants y songent maintenant ? Pensons par exemple aux physiothérapeutes et aux ergothérapeutes détenant dorénavant une maîtrise pour la pratique de leur profession. Pourquoi cette possibilité de formation universitaire pour les autres professionnels, alors que depuis les années 90, il est demandé à répétition de rehausser la formation de la relève en soins infirmiers au niveau d’un premier cycle universitaire ? Pourquoi ce retard alors que la plupart des pays ont fait cette transition pour les infirmières ? Pourquoi ferait-on bande à part au Québec ?

Quelques chiffres

En 2017, 42,1 % des infirmières étaient bachelières au Québec, selon l’Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec. Le taux canadien d’infirmières détenant une formation universitaire au niveau du baccalauréat atteignait, en 2015, de 51,3 à 99,2 %. Nous croyons que la réflexion sur le rehaussement amorcée dans le cadre d’une étude sectorielle prospective portant sur la formation des infirmières apporterait des réponses. Cette étude, entamée en 2015 à la demande du ministère de la Santé du Québec, devait nous éclairer sur la suite des choses, mais les résultats tardent à venir et la situation stagne.

Pourtant, ce ne sont pas les justificatifs qui manquent : complexité accrue des soins, développement sans précédent des technologies, gestion d’équipes de soins nécessitant un leadership fort et une collaboration interprofessionnelle solide, champ de pratique élargi avec les lois 90, 21 et 10. Ces lois ont notamment fait en sorte que la profession infirmière est celle qui s’est le plus développée au cours des 10 dernières années, mais au sein de laquelle l’écart entre la formation et l’étendue possible de la pratique est le plus grand.

Tentant de comprendre cette situation, nous émettons nombre d’hypothèses qui trouvent rapidement réponses :

1. Le coût d’un rehaussement de la formation

Nous savons, données à l’appui, que ce rehaussement de la formation est non seulement bénéfique pour les patients, mais qu’il permet d’épargner des coûts. Les études soulignent que la présence de bachelières en pourcentage suffisant dans un milieu de soins (au moins 60) permet de diminuer les décès évitables, les maladies nosocomiales et les erreurs de médicaments ;

2. La crainte de voir les cégeps et les régions écoper de ce rehaussement

Avec deux voies d’accès à l’université, soit la formation initiale et la formation intégrée (DEC-bac), jamais il n’a été questionné d’exclure les cégeps ; bien au contraire, ce sont des partenaires clés et essentiels. L’accès aux études supérieures qu’ils proposent, entre autres dans les régions, doit être valorisé. Les programmes mis en place dans les autres provinces démontrent la complémentarité entre les institutions tels les collèges et les universités ;

3. Les coupes en enseignement supérieur qui ont limité les développements dans les programmes universitaires

Malgré un sous-financement des sciences infirmières reconnu, les universités ont accru le nombre de diplômés et font des miracles avec peu, y compris pour la formation des infirmières praticiennes spécialisées (IPS) au niveau de la maîtrise ;

4. Le fait d’être une profession féminine avec un bagage historique associé aux soins

Il y a probablement là une piste, mais qui ne saurait régler la situation rapidement.

En tant qu’universitaires, mais surtout infirmières, nous souhaitons voir notre profession valorisée, reconnue pour son apport, non seulement par le « dévouement » des infirmières, mais surtout par leurs compétences et leurs savoirs, par leur champ élargi de pratique, au même niveau que nos collègues de la santé et cela, pour assurer à la population des soins à la hauteur des besoins grandissants au sein du système de santé. Au moment même où l’Organisation mondiale de la santé priorise la valorisation des soins infirmiers devant une pénurie mondiale de soignants, le Québec doit reprendre le temps perdu et repenser la formation des infirmières en la rehaussant. Il en va de même pour les autres membres de l’équipe soignante, qu’il s’agisse des infirmières auxiliaires et des préposés aux bénéficiaires. Notre participation aux discussions et aux actions et notre collaboration avec les autres paliers d’enseignement sont assurées.

* Cosignataires : Sylvain Brousseau, inf., Ph.D., directeur du module des sciences de la santé, Université du Québec en Outaouais ; France Cloutier, inf., Ph.D., directrice des programmes de deuxième cycle en sciences infirmières, Université du Québec à Trois-Rivières ; Anita Gagnon, inf., Ph.D., Associate Dean, Faculty of Medicine, Director, Ingram School of Nursing, McGill University ; Mireille Lavoie, inf., Ph.D., Doyenne, Faculté des sciences infirmières, Université Laval ; Daniel Milhomme, inf., Ph.D., Directeur du département des sciences infirmières, Université du Québec à Rimouski ; et Marie Tremblay, inf., M.sc., Directrice des programmes de deuxième cycle en sciences infirmières, Module des sciences infirmières et de la santé, Université du Québec à Chicoutimi

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