Ariane Lacoursière – La Presse – 27 avril 2017
Un total de 803 personnes ont eu recours à l’aide médicale à mourir durant les six premiers mois de son autorisation au pays, révèle un bilan publié hier par Santé Canada. Ce nombre grimpe à 970 si on tient compte de tous les cas recensés au Québec, qui a adopté une loi similaire six mois avant Ottawa. Explications
Le 17 juin 2016, les changements législatifs autorisant le recours à l’aide médicale à mourir sont entrés en vigueur au Canada. Depuis, un total de 803 personnes y ont eu recours d’un bout à l’autre du pays, révèle la première compilation fédérale sur le sujet. Dans le rapport, on note que le Québec « a sa propre législation en matière de soins de fin de vie, qui est entrée en vigueur le 10 décembre 2015 ». Si l’on ajoute tous les cas recensés au Québec, le nombre total de décès attribuables à l’aide médicale à mourir au Canada s’élève à 970.
Nombre de décès attribuables à l’aide médicale à mourir
Au Québec
entre le 10 décembre 2015 et le 10 juin 2016
167
Au Canada
en vertu des dispositions législatives fédérales et québécoises entre le 17 juin et le 31 décembre 2016
803
Total : 970
Nombre total de décès attribuables à l’aide médicale à mourir, du 17 juin 2016 au 31 décembre 2016
Ontario : 189
Manitoba : 21
Provinces maritimes : 37
Colombie-Britannique : 188
Alberta : 61
Saskatchewan : 11
Québec et autres provinces et territoires : 296
Les décès attribuables à l’aide médicale à mourir représentent moins de 0,6 % de tous les décès au Canada. Une donnée qui n’étonne pas le Dr Alain Naud, omnipraticien travaillant aux soins palliatifs du Centre hospitalier universitaire de Québec. « Dans tous les pays où l’aide médicale à mourir est autorisée depuis longtemps, les décès qui y sont associés ne représentent que de 2 à 4 % de l’ensemble des décès. On s’attendait à un taux similaire ici », dit-il. Au Québec, le taux de décès qui est associé à l’aide médicale à mourir est jusqu’à maintenant d’environ 1 %. « Certains prévoyaient l’hécatombe. Ce n’est pas le cas », note le Dr Naud, qui prévoit tout de même que la proportion de décès attribuables à l’aide médicale à mourir ira légèrement en augmentant tant au Québec qu’au Canada dans les prochains mois. « Tout simplement parce que ce sera mieux connu », dit le médecin.
Proportion de décès attribuables à l’aide médicale à mourir
Pays-Bas 3,75 %
Belgique 1,83 %
Canada 0,6 %
Oregon 0,37 %
La majorité des Canadiens qui ont reçu l’aide médicale à mourir l’ont reçue à l’hôpital. Toutefois, dans certaines provinces, une majorité de citoyens ont reçu l’aide médicale à mourir à domicile, notamment en Colombie-Britannique (43,6 %) et au Manitoba (62 %). « Les facteurs qui pourraient contribuer à cette constatation comprennent, par exemple, la préférence du patient, les obstacles institutionnels à la prestation de l’aide médicale à mourir dans les hôpitaux de certaines administrations, le manque d’infrastructures pour la prestation de l’aide médicale à mourir au sein de la communauté dans d’autres administrations, et la préférence du fournisseur de services », est-il écrit dans le rapport du gouvernement fédéral. Au Québec, la majorité des patients ont reçu l’aide médicale à mourir à l’hôpital, selon le Dr Naud. « Il y a encore ce mythe voulant que l’aide médicale à mourir ne soit pas disponible à domicile. Or c’est faux. Les établissements doivent offrir ce service aux patients qui le demandent », dit-il.
Environnement dans lequel a été reçue l’aide médicale à mourir au Canada
À l’hôpital 50 %
À la maison 37 %
En CHSLD ou en résidence pour personnes âgées 6 %
Autres 7 %
Autant d’hommes (49 %) que de femmes (51 %) ont eu recours à l’aide médicale à mourir au Canada jusqu’à maintenant. Parmi les raisons ayant mené les Canadiens à demander l’aide médicale à mourir, le cancer est la plus souvent citée.
Circonstances médicales sous-jacentes les plus communes des patients qui reçoivent l’aide médicale à mourir
Cancer 56,8 %
Maladie neurodégénérative 23,2 %
Maladie de l’appareil circulatoire ou respiratoire 10,5 %
Autres causes 9,5 %
Dans son rapport, le gouvernement fédéral annonce que dans ses prochains comptes rendus de surveillance, plus de données seront comptabilisées sur l’aide médicale à mourir. Notamment, les cas où l’aide médicale à mourir n’a pas été accordée seront documentés. Une information très importante, selon le Dr Naud. « Car ici, en 2016, il y a eu des dérapages dans l’entrave pour l’accès à l’aide médicale à mourir », affirme-t-il. Pour le Dr Naud, il est tout aussi important de se pencher sur les refus, sur les procédures d’aide médicale à mourir qui ne vont pas jusqu’au bout ou pour lesquelles la demande a été retirée, que d’étudier tous les cas où l’aide a été accordée.
Dans un communiqué publié hier, la ministre fédérale de la Santé, Jane Philpott, reconnaît que « l’aide médicale à mourir est une question difficile et très personnelle ». Pour Mme Philpott, la diffusion de statistiques sur l’aide médicale à mourir « est essentielle pour aider les Canadiens à comprendre comment s’effectue sa mise en œuvre à l’échelle nationale ». « Je suis satisfaite des efforts de collaboration déployés par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux pour diffuser aux Canadiens ces données critiques à propos d’une question très importante et délicate », a dit Mme Philpott.