Aide médicale à mourir Que les médecins respectent le choix des mourants

 

La Presse+ – 12 mars 2017

Alain NaudMédecin de famille et en soins palliatifs

Il n’existe qu’une seule fin de vie acceptable pour un malade apte et bien informé : celle qu’il choisira en toute liberté

L’aide médicale à mourir (AMM) est un soin médical, clinique, éthique, moral, légitime et parfaitement légal. En février 2015, la Cour suprême du Canada, dans un rarissime jugement unanime, a non seulement validé ce soin au Québec, mais aussi forcé le gouvernement fédéral à le rendre disponible partout au pays.

L’AMM est tout sauf une injection létale. C’est un soin et un accompagnement de fin de vie qui repose sur l’engagement généreux et volontaire des médecins et autres professionnels. L’AMM requiert de ceux qui y participent ouverture, humanité, compassion, bienveillance, humilité, écoute et respect des malades. Les soignants ne sont pas au chevet des mourants pour leur imposer leurs propres valeurs, croyances et convictions. Ils y sont pour les soigner, les écouter sans les juger, les soulager, les accompagner et respecter leurs choix de fin de vie. Ils mettent leur science, leur humanité et leur disponibilité au service de ces malades.

Certains médecins ne possèdent pas les qualités humaines ou les compétences professionnelles requises pour offrir ce soin à leurs malades. D’autres sont emmurés dans des convictions personnelles, souvent religieuses, qui les empêchent d’approcher ces mourants et surtout de respecter le choix parfaitement légitime que feront certains d’opter pour l’AMM. L’important n’est pas que tous les médecins participent à l’AMM, mais bien que les malades puissent compter sur suffisamment de professionnels ouverts et compétents qui seront en mesure de les accompagner.

L’objection personnelle des soignants, peu importe la raison, doit être respectée et les lois actuelles les protègent parfaitement. Cette objection s’accompagne toutefois de deux obligations : celle de se retirer de tout le processus sans abandonner le malade, et celle de transférer rapidement une demande à un collègue.

Pour un médecin, faire obstacle à une demande légitime d’AMM s’avère une faute déontologique et professionnelle grave.

Ne pas imposer ses convictions 

La plupart des médecins qui tiennent à exprimer publiquement leur opposition indéfectible à l’AMM n’ont jamais prodigué de soins de fin de vie ni même rencontré un seul malade qui demande légitimement de mettre fin à ses souffrances dans la dignité. Ils n’ont ni légitimité ni crédibilité pour en parler. Étant donné leurs convictions personnelles inébranlables, ils n’auront jamais l’ouverture ni le privilège de rencontrer et d’accompagner ces malades et leurs proches. Il en va de toute façon de l’intérêt des mourants d’être préservés de ces individus qui ne sont pas en mesure de les aider.

Ces médecins ne s’expriment pas au nom de la communauté médicale. Ils ne parlent toujours en réalité que d’eux-mêmes, de leurs propres valeurs, croyances et convictions. Et comme des convictions religieuses, elles doivent être respectées, mais ne peuvent être imposées à qui que ce soit, surtout pas à un malade en fin de vie.

Il n’appartient à personne, fût-il médecin, ministre de culte religieux, avocat, éthicien, philosophe, administrateur ou politicien, d’imposer ses propres convictions à un malade ou de lui dicter une fin de vie. Il n’existe pas de manuel d’instruction pour mourir. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon, digne ou indigne, de mourir. Il n’existe qu’une seule fin de vie valable et digne pour un malade apte et bien informé : celle qu’il choisira en toute conscience et liberté. Nous devons à ce malade le respect le plus absolu.

Faux dilemme

Il n’y a aucune opposition entre l’AMM, les soins palliatifs, la sédation terminale et le refus de traitement. Ce sont toutes des options de fin de vie parfaitement légitimes. Notre rôle comme médecin est de bien expliquer au malade sa condition, lui exposer clairement et objectivement les options disponibles, l’écouter et respecter son choix.

Le lobby religieux anti-AMM ouvert et assumé est légitime. Le lobby religieux caché, hypocrite, mesquin et démagogique ne l’est pas.

Ce lobby n’a aucun intérêt pour les malades souffrants en fin de vie et ne contribue aucunement au débat d’idées. Il ne vise qu’à imposer à l’ensemble de la société une conviction personnelle, imperméable à toute discussion et sans aucun respect ni considération pour ces malades qui n’en peuvent plus, ainsi que les proches et les soignants qui les accompagnent. Il est facile de philosopher sur le sens de la souffrance et de la mort quand ce sont les autres qui y font face.

Les malades en fin de vie qui feront le choix libre et éclairé de mettre fin à leurs souffrances avec l’aide d’un médecin n’ont nul besoin d’être jugés, sermonnés, blâmés, négligés, rejetés, excommuniés ou abandonnés. Ils ont besoin de professionnels humbles et respectueux capables d’entendre, de comprendre, d’accompagner et de soulager. C’est ce qu’offrent les médecins et autres professionnels bienveillants qui prodiguent les soins de fin de vie, incluant l’AMM.

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