Justine Mercier – Le Droit – 29 janvier 2018
Les délais d’attente pour une opération sont devenus « inacceptables », dénoncent les chirurgiens et anesthésiologistes de l’Hôpital de Hull, qui estiment qu’« il faut cesser de traiter les gens de la région comme des citoyens de deuxième ordre ».
Dans une lettre datée du 5 décembre dernier envoyée aux dirigeants du Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Outaouais (CISSSO), 30 médecins spécialistes qualifient de crise « majeure » la situation qui prévaut au bloc opératoire de l’Hôpital de Hull, où un manque d’infirmières force un ralentissement des activités opératoires depuis plusieurs mois.
« Il faut comprendre que le manque de personnel est grandement dû à la surcharge de travail imposée par le manque de ressources et d’accès aux plateaux techniques », déplorent les chirurgiens, orthopédistes, anesthésiologistes et neurochirurgiens ayant signé la lettre.
Se disant « très inquiets », ils demandent aux gestionnaires du CISSSO de « prendre les moyens nécessaires afin de mettre fin à cette crise ponctuelle, mais surtout pour que l’on trouve une solution durable et que cette situation ne se reproduise pas ».
Les signataires de la lettre affirment que même si un retour à la normale arrivait rapidement, « il sera impossible de reprendre le temps perdu ».
Les médecins interpellent aussi les dirigeants du réseau sur le manque d’accès aux services spécialisés dans la région.
« Tel que soulevé par Le Droit en septembre, la région de l’Outaouais est bien mal en point du côté de la médecine spécialisée, écrivent-ils. Il manquerait environ 225 médecins spécialistes juste pour rejoindre la moyenne québécoise, 185 pour rejoindre la moyenne canadienne. […] Il est donc raisonnable de dire qu’il manque l’équivalent d’un hôpital de 200 lits et tous les services associés pour servir la population de façon adéquate. Comment se fait-il que le ministère laisse durer cette situation ? Pourquoi est-ce que la population de l’Outaouais […] n’a-t-elle pas droit à des services de soins de santé équivalents au reste de la population québécoise ? »
Les médecins spécialistes dénoncent également que le CISSSO leur demande d’aller travailler dans les hôpitaux en périphérie « pour 15 % des gens vivant à plus de 50 km » de Gatineau, alors qu’on demande aux patients du secteur urbain « de se déplacer vers les centres ruraux pour se faire opérer parce qu’il manque de ressources en milieu urbain… et ce à grands frais ! ».
« C’est le monde à l’envers », écrivent les chirurgiens et anesthésiologistes, qui rappellent aussi que des patients doivent parfois se rendre dans une autre région pour être opérés.
Les médecins terminent leur missive en affirmant leur « désir » d’offrir des soins de qualité aux patients de la région, mais notent qu’ils ont « besoin des ressources pour y arriver ».
Un appui de Gatineau
Le comité local du bloc opératoire de Gatineau a lui aussi fait parvenir une lettre aux dirigeants du CISSSO. Le président du comité, le Dr Carl Boucher, y souligne notamment que « la situation est de plus en plus précaire » en oncologie.
Il dénonce également le fait que l’unité des soins intensifs ne compte que quatre lits, alors qu’il y en avait six, il y a deux ans. « Cette transformation a été faite dans la hâte avec promesse de cinq lits de soins intermédiaires que nous attendons toujours avec impatience, écrit le Dr Boucher. […] Notre personnel fait une gymnastique quotidienne pour éviter de canceller des cas complexes en oncologie, mais malheureusement cela arrive encore trop souvent. […] Nous avons besoin de ces lits intermédiaires. Sûrement que ces soins intermédiaires auraient aidé dans le cas du rapport du coroner publié dernièrement ».