Combattre l’âgisme, un mot à la fois

Comme l’indique l’auteure Salma Sahil, les personnes âgées sont souvent dépeintes comme des personnes « vulnérables, isolées, moins productives, incompétentes et malades ».

Source : La Presse

Non, les personnes âgées ne jouent pas toutes au bingo, elles n’ont pas toutes les mains très veinées d’une personne de plus de 100 ans, et non, elles ne sont pas toutes des « boomers » privilégiés pleins aux as.

C’est à ce genre de cliché que l’Institut de la santé publique du Québec s’attaque dans son analyse récente intitulée Représentations des personnes vieillissantes et du vieillissement dans les médias écrits d’information.

Les médias écrits, c’est nous, entre autres. En cette fin d’année où l’heure est à l’introspection, fonçons, donc.

Le thème interpelle d’emblée une collègue qui plaide coupable d’un vieux péché, du temps où elle était jeune journaliste. Sa bourde : avoir qualifié de « vieillards » des personnes de 70 ans. Elle n’a jamais oublié la volée de bois vert qu’elle avait alors reçue des lecteurs !

Conseillère scientifique et auteure principale de l’étude de l’INSPQ, Salma Sahil a passé en revue une cinquantaine d’études du Canada (quotidiens du Québec inclus), des États-Unis, de la Finlande, de l’Allemagne, de la Nouvelle-Zélande, de l’Irlande, du Royaume-Uni et des Pays-Bas.

Résultat ? Les stéréotypes abondent. Les personnes âgées sont souvent représentées comme un tout, peut-on lire, l’expression « OK boomer » illustrant entre autres cette tendance à généraliser et uniformiser « toute une génération », peut-on lire dans l’étude.

Et les médias sont souvent plutôt prévisibles. « Des images et des photos représentant les personnes vieillissantes les montrent parfois seules ou dans des environnements médicaux. Les gros plans sur des mains ou des jambes ridées sont aussi privilégiés par les médias écrits afin de préserver l’anonymat ou pour des raisons éthiques. »

Mais ça fait beaucoup, beaucoup de mains !

Comme l’indique l’auteure Salma Sahil, les personnes âgées sont souvent dépeintes comme des personnes « vulnérables, isolées, moins productives, incompétentes et malades » : comme un fardeau pour leurs proches ou la société.

L’excès inverse

Salma Sahil relève que les médias tombent aussi régulièrement dans l’excès inverse.

Le recours à une exagération positive et irréaliste des personnes vieillissantes et du vieillissement « peut contribuer à perpétuer des perceptions erronées ou des attentes irréalistes quant au processus de vieillissement, l’expression “70 is the new 50” en étant un exemple », est-il écrit.

Autrement dit, ça se peut, multiplier les marathons après 80 ans et avoir une sexualité débridée. Mais c’est plus rare.

Selon l’INSPQ, « le vieillissement individuel devrait être abordé comme un processus qui diffère d’une personne à l’autre et qui amène son lot de possibilités, d’aspirations, d’expériences et de défis ».

« Le fait d’associer automatiquement le vieillissement à une période de déclin, de détérioration et de fragilité inévitables est une pratique à éviter. »

En entrevue avec Mme Sahil, on lui soumet qu’il est tout de même rare qu’on galope davantage à 85 ans qu’à 25 et qu’il faut bien appeler un chat un chat, non ?

Certes, mais l’important, à ses yeux, serait de présenter les personnes âgées pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire « une population diversifiée ».

Dans le mot vieux, il y a le mot vie

Qu’en pense l’une de nos préférées, l’actrice Béatrice Picard, aujourd’hui âgée de 95 ans ? Quels conseils a-t-elle à nous donner sur notre couverture journalistique ?

L’actrice Béatrice Picard, dans la pièce de théâtre Harold et Maude, en 2017

En bonne ambassadrice des Petits Frères (qui a gommé « des pauvres » de son appellation il y a quelques années pour inclure toutes les personnes isolées), elle estime qu’il faut parler de la solitude puisqu’elle est si présente.

Au lieu de faire de la solitude un constat ou une fatalité, peut-être serait-il bon d’insister sur les façons de la prévenir, avance Mme Picard.

Bien sûr, un jour, les enfants partent de la maison, on prend sa retraite, le conjoint meurt. Mais il faut éviter à tout prix de se laisser abattre, « il faut faire les premiers pas », s’inscrire dans des cours, faire partie de clubs de lecture, garder un esprit curieux, insiste-t-elle.

Les articles sur les réalités que vivent les personnes âgées – la dégénérescence maculaire ou « l’importance de bouger quand on a de l’arthrite » – lui semblent aussi particulièrement d’intérêt.

Faut-il utiliser les mots « personnes âgées », « aînés » ou « personnes vieillissantes » ?

À la lecture de l’ouvrage 80-90-100 à l’heure ! 14 octogénaires et nonagénaires inspirants des collègues Judith Lachapelle et Alexandre Sirois1, force est de constater que les personnes âgées interviewées ne se formalisent pas des mots utilisés pour les décrire.

Béatrice Picard dit dans cet ouvrage n’avoir « aucune objection à ce qu’on me dise que je suis une vieille personne ».

« Mais si on emploie le mot “vieux”, il faut que ce soit toujours avec bienveillance et gentillesse. Car dans le mot “vieux”, il y a le mot “vie”. »

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