Le vieillissement de la population est un phénomène qui frappe tous les pays industrialisés, Canada et Québec inclus. Drôle de hasard, alors que l’industrie automobile semble n’avoir d’yeux que pour les jeunes milléniaux, les nouvelles technologies développées à leur intention pourraient être la solution. À condition qu’elles soient bien appliquées.
Voiture intelligente, conduite autonome, autopartage… Pour le moment, ça ne convainc toutefois pas la majorité des automobilistes canadiens qui ont plus de 50 ans. Selon un sondage réalisé par State Farm plus tôt cet automne, 55 % d’entre eux comptent continuer à conduire après l’âge de 80 ans. En fait, 10 % des répondants affirment vouloir renouveler leur permis même au-delà de 90 ans.
Ça soulève la question de la sécurité routière. Est-il prudent de laisser les personnes plus âgées prendre le volant ? La Société de l’assurance automobile du Québec a pris acte du phénomène. Mais sa réaction demeure timide : un examen visuel et médical est exigé à l’aube des 75 ans, puis un second à 80 ans. Un accident mortel survenu plus tôt cette année impliquant un conducteur de 90 ans a toutefois incité Québec à demander de revoir ces évaluations afin qu’elles soient plus strictes.
L’exemple du Japon
Au Japon, la population vieillissante se conjugue au présent : c’est si grave qu’on ne sait pas comment prévenir la diminution de la population dans l’île.
En revanche, on pense avoir trouvé le moyen d’assurer la mobilité de cette population plus âgée. « La situation se divise en deux : il y a les personnes âgées vivant en ville, puis celles vivant dans des régions rurales », explique Asako Hoshino, vice-présidente responsable du marché japonais pour la Nissan Motor Corporation.
En ville, le Japon songe à instaurer des parcs de véhicules en libre-service, dont la conduite serait lourdement assistée, sinon carrément autonome, afin d’aider les conducteurs à se faufiler sans risque dans la circulation.
En campagne, où les distances sont beaucoup plus longues, il est plutôt question de mettre en place un réseau d’autobus, de navettes ou même de taxis robotisés qui passeraient à heure fixe ou qui seraient hélés à partir d’une application pour téléphone intelligent.
Le gouvernement et diverses sociétés, dont Nissan et Toyota, collaborent actuellement au développement d’un taxi robotisé qui devrait être mis en circulation à temps pour les Jeux olympiques de 2020. « Ces taxis robotisés ne sont pas la même chose que des véhicules autonomes. Il s’agit d’un service de véhicules à la demande, une formule qui convient mieux pour les gens plus âgés », ajoute Asako Hoshino. Là encore, l’enjeu est double : ces taxis automatisés réduiraient aussi les effets d’une pénurie de chauffeurs provoquée par le vieillissement de la population japonaise…
Bref, ces technologies semblent a priori conçues pour satisfaire les plus jeunes consommateurs japonais, mais ce sont les plus âgés qui pourraient bien en bénéficier. « De toute façon, les jeunes ne veulent rien savoir d’acheter une voiture », conclut Asako Hoshino.
Bienvenue à Babcock Ranch, Floride
La petite ville de Babcock Ranch, un peu au sud de Tampa, va plus loin.
Commanditée par le géant français Transdev, la municipalité compte ne recourir exclusivement qu’à des navettes autonomes pour couvrir son territoire.
Babcock Ranch est actuellement en construction, puisqu’elle commencera à accueillir les premiers de ses 50 000 résidants au cours des prochaines semaines seulement.
Les premières navettes serviront donc à transporter les curieux de la place du Fondateur, au cœur de la ville, vers des îlots de maisons modèles. Celles-ci respectent deux directives principales : accueillir des retraités désireux de réduire leur empreinte écologique, sans pénaliser leur mobilité.
À terme, les navettes, alimentées par le même parc solaire qui fournira l’électricité à l’ensemble de la communauté, élargiront leur rayon d’action à tous les quartiers. « Les Américains ne passeront pas d’une voiture par personne vivant dans la maison à aucune voiture pour personne du jour au lendemain, mais on croit qu’en leur offrant la possibilité de marcher, de pédaler, d’emprunter une navette ou de héler un véhicule autonome à l’aide de leur sans-fil, ils réaliseront qu’ils n’ont pas tant besoin d’une voiture », affirme Syd Kitson, PDG de Kitson & Partners, le promoteur derrière le projet de Babcock Ranch.
Du côté de Transdev, si le projet est un succès, on compte le répéter ailleurs en Amérique du Nord. « Les données recueillies dans ce projet sont précieuses et nous permettront d’adapter ce modèle aux besoins des autres villes et communautés ici comme ailleurs dans le monde », résume Dick Alexander, qui supervise le tout pour Transdev.
Est-ce qu’on pourrait voir une telle ville autonome au Québec ? Il faudra d’abord convaincre les automobilistes de tous âges de lâcher le volant, ce qui est loin d’être acquis…