Une résidence lavalloise leur paiera une compensation pour « perte de jouissance » durant la pandémie.
ARIANE KROL
La résidence privée pour aînés Les Jardins de Renoir, à Laval, devra verser jusqu’à 1105 $ à des locataires pour les loisirs et autres services prévus à leur bail dont ils ont été privés durant la pandémie, a conclu le Tribunal administratif du logement (TAL) dans une décision rendue au début de novembre.
« Il est évident que les locataires ont perdu accès à un service prévu à leurs baux et qu’ils ont subi une perte de jouissance que l’on peut qualifier de réelle, sérieuse, significative et substantielle justifiant une diminution de loyer », écrit le juge administratif Philippe Morisset.
Une décision qui fera jurisprudence ?
« C’est vraiment une décision importante, ça donne le ton aux autres demandes », a commenté l’avocate Hélène Guay, spécialisée dans la défense des droits des aînés, en entrevue téléphonique.
Une trentaine de recours semblables ont été soumis au TAL, mais c’est le premier à faire l’objet d’une décision, indique Me Guay, qui a fourni des informations aux locataires.
À la résidence privée pour aînés (RPA) lavalloise, la perte de jouissance a été reconnue seulement pour certains services, dont la piscine, le gymnase, les salles de billard, de quilles et de cinéma, la bibliothèque, les jardins et la chapelle. La fermeture d’autres espaces, dont la salle de casse-tête, les salles communautaires et l’atrium, n’a pas donné droit à une diminution de loyer.
Les réductions se limitent aussi à certaines périodes de la pandémie, lorsque les lieux étaient complètement fermés. Elles ne s’appliquent pas aux mois où le service était offert avec « des modalités d’accès différentes », et ce, même si l’accès pouvait alors être « moins commode », précise le juge Morisset dans une décision très détaillée de près de 40 pages.
Des réductions de 220 $ à 1105 $ par logement
Les réductions accordées vont de 220 $ à 1105 $ par unité, pour la période allant d’avril 2020 à février 2022. La RPA Les Jardins de Renoir, propriété du groupe Cogir, compte 740 unités.
« Nous prenons présentement connaissance du jugement et de ses possibles implications auprès de nos équipes. Nous n’avons donc pas de commentaires pour l’instant », a indiqué la porte-parole de Cogir, Brigitte Pouliot, par courriel lundi.
Les demandeurs se sont prévalus d’une disposition récente permettant aux locataires de RPA certifiées de déposer une demande commune au TAL.
« Ça permet aux gens de faire valoir leurs droits alors qu’ils se gênaient de le faire pour toutes sortes d’inquiétudes, comme d’être isolés ou de se faire rabrouer par la direction », explique Me Guay.
Pas d’immunité en vertu de la Loi sur la santé publique
Me Guay se réjouit que le TAL ait rejeté le principal argument de la RPA, qui disait bénéficier d’une « immunité » en vertu de la Loi sur la santé publique.
Selon l’article 123 de cette loi, « le gouvernement, le ministre ou toute autre personne ne peut être poursuivi en justice pour un acte accompli de bonne foi dans l’exercice ou l’exécution de ces pouvoirs ».
Cette immunité « ne peut inclure tout citoyen, qu’ils soient particuliers ou corporatifs, qui respectent et mettent en application les directives », a cependant estimé le juge Morisset.
Beaucoup de locataires avaient peur d’aller de l’avant parce que [les locateurs] prétendaient avoir l’immunité. Cette décision met tout ça de côté.
Me Hélène Guay, avocate spécialisée dans la défense des droits des aînés
Les dépenses supplémentaires que la RPA a pu engager n’ont « aucune incidence sur la détermination de la perte de valeur locative », a aussi considéré le juge.
« Le locateur a fait grand état des services additionnels qu’il a offerts ou mis en place durant la pandémie. Or, le locateur a été indemnisé en très grande partie par le Gouvernement. »
Le tribunal n’a cependant rien accordé pour la fermeture de la salle à manger, puisque « le locateur a continué à offrir le service de repas aux locataires et que […] les repas ont été livrés à leurs logements ».
La fermeture du salon de coiffure et de la pharmacie, considérés comme « une commodité » et non un service inclus au bail, n’a pas non plus donné lieu à une réduction de loyer.