MONTRÉAL — Que les Québécois aient accès à des ressources en santé mentale autres que l’hôpital ou la psychiatrie: c’est ce que réclamait lundi un regroupement d’organismes communautaires, à l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale.
LA PRESSE CANADIENNE, L’ACTUALITÉ
Plusieurs dizaines de personnes s’étaient réunies dans le froid d’octobre au carré Saint-Louis, à Montréal, à l’initiative du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec (RRASMQ). Elles ont appelé le gouvernement à mieux soutenir les groupes communautaires qui ont une approche dite «alternative».
Au sein de ces ressources psychosociales, «on accueille la crise, les difficultés, l’intensité ailleurs qu’à l’hôpital, et autrement, donc sans violence, sans coercition, sans diagnostic, avec une approche globale qui prend en compte l’histoire de la personne, ses traumatismes, son vécu, qui prend le temps d’écouter, d’accueillir, qui considère la personne comme une égale» et lui laisse le droit de choisir pour elle-même, a expliqué la coresponsable à l’action politique du RRASMQ, Anne-Marie Boucher.
Mais cela ne veut pas dire que l’organisme s’oppose à ce que fait le réseau de la santé. Il plaide plutôt pour que ce ne soit pas la seule avenue possible, alors que plusieurs personnes se méfient du système et tireraient des bénéfices d’une autre approche.
Carole Lévis, présidente du conseil d’administration du RRASMQ, garde elle-même un très mauvais souvenir de son séjour en centre hospitalier. «C’était l’enfer, a-t-elle dit, je me suis juré que si je ne vais pas bien, c’est sûr que je n’y retourne pas».
Après avoir souffert de «tristesse profonde» pendant plusieurs années sans signe d’amélioration, elle avait finalement décidé de suivre les conseils de sa psychiatre et d’aller à l’hôpital. «Je suis restée là un mois, et nous n’y sommes pas écoutés, il faut faire attention à ce qu’on dit parce que c’est noté dans notre dossier», s’est-elle remémorée. Elle s’est aussi dite témoin de scènes «traumatisantes», comme voir un autre patient se faire attacher et enfermer dans une chambre capitonnée, au retour d’une séance d’électroconvulsivothérapie.
En comparaison, son passage en centre de crise géré par un organisme communautaire s’est selon elle beaucoup mieux déroulé: «Tout le monde participait à faire la nourriture chacun son tour, donc nous n’étions pas laissés à nous même, nous rencontrions notre intervenante et nous avions des petits exercices à faire, s’est-elle souvenue. Ça m’a fait penser autrement et ça m’a beaucoup aidée de communiquer avec les autres, de participer.»
Des pistes de solutions
«On le voit, la santé mentale c’est loin d’être une priorité pour ce qui est de l’action du gouvernement», pense Mme Boucher.
Elle plaide qu’il faut «rehausser significativement le budget du réseau public en santé mentale pour qu’il y ait des soins, de l’accompagnement de qualité qui soit accessible rapidement».
Le système public, «en ce moment, ça ressemble à des listes d’attente, ça ressemble à être condamné à attendre, sauf si vraiment il y a une situation d’urgence», a-t-elle déploré, ajoutant que même dans ces cas-là, «ce n’est pas dit qu’on va recevoir de l’accompagnement rapidement». Elle a cité le cas d’Amélie Champagne, cette jeune femme de 22 ans qui s’est ôté la vie peu de temps après un passage à l’hôpital pour tentative de suicide, en septembre dernier. La coroner en chef du Québec, Pascale Descary, a récemment annoncé le lancement d’une enquête sur les circonstances du décès.
En amont de tout cela, il faut s’attaquer de front à la crise du logement et à la pauvreté, a-t-elle affirmé, car avoir des conditions de vie décentes, «ça permet aux personnes de diminuer leur stress, de retrouver l’équilibre, d’avoir les moyens de prendre soin de leur santé mentale».
Mme Lévis, de son côté, souhaite que les ressources alternatives soient reconnues à leur juste valeur et aient une place à la table de décision, pour «qu’on puisse participer au processus pour des changements positifs en santé mentale, que notre parole soit entendue».
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Si vous ou l’un de vos proches vivez de la détresse psychologique, vous pouvez obtenir de l’aide en composant le 1 866 APPELLE (277-3553). Des intervenants sont disponibles 24 heures sur 24, de manière gratuite et confidentielle.