Le Parti libéral du Québec (PLQ) avait l’intention d’utiliser 10 milliards du Fonds des générations (FDG) pour rembourser la dette à raison de 2 milliards par an pendant cinq ans.
La Coalition avenir Québec (CAQ), une fois élue, a plutôt décidé d’y aller avec 8 milliards dès cette année et 2 milliards l’an prochain. Dans les deux cas, l’annonce a été reçue favorablement par certains économistes et analystes financiers, mais plutôt froidement par d’autres.
Dans le Rapport préélectoral sur l’état des finances publiques du Québec publié par le ministère des Finances le 20 août dernier, on peut lire que le plan du PLQ allait entraîner sur cinq ans des baisses anticipées de 1,1 milliard en paiement d’intérêt et de 1,9 milliard en revenus de placement.
Pour simplifier, on peut penser qu’il en est de même pour le plan de la CAQ. On pourrait en déduire, ce que plusieurs ont fait, que c’est financièrement une mauvaise idée : 1,1 milliard en économie d’intérêt au coût de 1,9 milliard en perte de revenus de placement. De plus, comme le FDG est déjà pris en compte dans le calcul de la dette, la démarche équivaudrait à prendre 10 milliards de la poche droite et les mettre dans la poche gauche.
Comparer ainsi le coût de financement de la dette et le rendement du FDG géré par la Caisse relève d’une erreur analytique importante et très répandue tant dans le secteur gouvernemental que dans le secteur privé et le milieu académique. Cette erreur est à l’image de l’erreur qui veut que les gouvernements aient un avantage important sur les entreprises privées dans le financement d’un projet donné, car ils peuvent emprunter à des taux d’intérêt plus faibles. On la retrouve partout, y compris récemment dans l’évaluation du projet du REM (6 milliards) et du projet hydroélectrique Site C de BC Hydro (11 milliards).
La confusion vient de la négligence du fait que, contrairement au secteur privé, le gouvernement a la capacité de lever au besoin des taxes et des impôts auprès des contribuables pour honorer ses promesses de remboursement envers les bailleurs de fonds. Le pouvoir de taxation du gouvernement est en quelque sorte une option financière ou une police d’assurance souscrite auprès des contribuables.
Considérant cette garantie de remboursement de l’emprunt, les pourvoyeurs de fonds n’exigeront qu’une faible prime de risque le cas échéant, quels que soient les motifs d’emprunt ou les projets du gouvernement et quelle que soit leur contribution au risque de portefeuille de l’ensemble diversifié des projets et des activités du gouvernement.
Cette garantie permet au gouvernement d’offrir une transaction essentiellement sans risque pour les prêteurs, mais potentiellement fort risquée pour les contribuables. C’est ce coût soutenu par les contribuables qui est évacué et mis sous le tapis, d’où l’erreur.
Le gouvernement du Québec a créé le Fonds des générations en 2006 « pour favoriser l’équité entre les générations, la pérennité des programmes sociaux et la prospérité ». Ce Fonds est dédié au remboursement futur de la dette publique.
Entre 2007 et 2015, le Fonds a généré un rendement annuel de 5,67 % en moyenne, avec un creux de -22,4 % en 2008, comparativement à un coût de financement annuel moyen de la dette de 3,7 %.
Au moment de la création du Fonds en 2006, le ministère des Finances calculait que sur la période 1995-2005, le coût de financement de la dette avait été de 6,9 %, comparativement au taux de rendement global de 9,4 % de la Caisse de dépôt et placement du Québec, d’où l’anticipation d’une rentabilité intéressante du Fonds.
Cette comparaison est boiteuse. Tel que mentionné ci-dessus, le premier taux ne prend pas en considération le coût de l’assurance ou de l’option financière implicite consentie au gouvernement par les citoyens contribuables, assurance ou option qui justifie le coût de financement du gouvernement. Quant au second taux, il comprend une prime de risque non négligeable.
La rentabilité financière du Fonds, une fois pris en compte le risque soutenu par les contribuables, est loin d’être évidente. Une bonne ou une mauvaise idée ? Les contributions au Fonds sont devenues politiquement incontournables. C’est là un élément positif important, peut-être plus important que l’erreur d’évaluation financière du Fonds.