Handicapée visuelle, une octogénaire a eu six jours pour déménager

La fermeture de la Résidence Treizième Nord, à Sherbrooke, en juin 2018, a brisé des vies. Au moins une en fait. « Le 8 juin 2018, nous avons appris que nous avions six jours pour relocaliser ma mère de 87 ans, qui a un handicap visuel, avant la fermeture de la résidence! Ça nous a causé beaucoup de stress et d’angoisse », se souvient Guylaine Moisan avec énormément d’émotions.

Les trois filles de la dame âgée ont rapidement trouvé un nouveau toit pour leur maman en perte d’autonomie mais encore autonome, à East Angus, où elles connaissaient déjà des résidents et des travailleurs.

Mais pour la dame de 87 ans, ce déménagement soudain a marqué la fin de son autonomie.

« Ma mère était capable d’aller manger seule, malgré son handicap visuel, parce qu’elle avait trouvé des repères pour se déplacer dans la résidence. Elle était aussi capable de prendre son bain seule. Mais en déménageant, elle a perdu tout ça. À 87 ans, ç’a été difficile pour elle de se refaire des repères. Il a fallu avoir de l’aide pour le bain. C’est vraiment triste, parce que la vie de ma mère a complètement changé à cause de cette fermeture », déplore Mme Moisan.

Cet exemple n’est qu’un parmi des centaines d’autres de vies chamboulées par la fermeture précipitée de résidences pour personnes aînées.

C’est pourquoi l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées (AQDR) invite la population à « signer massivement » une pétition demandant au gouvernement d’adopter des mesures concrètes pour le respect des droits et le maintien des services aux personnes aînées demeurant en résidences pour personnes aînées.

Dans les cinq dernières années, 450 résidences pour aînés ont fermé leurs portes en Estrie. Si certaines fermetures se sont faites dans les règles de l’art, ce n’est certainement pas le cas pour toutes les résidences, comme le montre l’exemple vécu par Mme Moisan.

Car en plus du changement de milieu de vie, il ne faut pas négliger non plus la pression financière qu’une telle situation peut imposer à des aînés vulnérables. Soulignons que la moyenne d’âge dans les résidences privées pour aînés est de 83 ans.

« Le 5 juin, le chèque de 1100 $ à la Résidence Treizième Nord a été encaissé. Pour déménager à East Angus, il a fallu payer 1040 $ supplémentaires, sans oublier les frais de rebranchement pour le téléphone, le coût du déménagement, l’achat de certains meubles… En juin, ma mère a dû payer environ 3000 $ », soutient Mme Moisan.

Une pression financière si énorme que la fille a cherché des recours au nom de sa mère pour récupérer la somme payée en trop à la résidence qui a fermé avec un si court préavis. Les difficultés dans ce genre de dossier sont si nombreuses que plusieurs baissent les bras.

« Quand des résidences doivent fermer et qu’elles ne respectent pas la loi en ce qui concerne le délai d’avis de six mois et les indemnités à verser aux résidents évincés, ça met parfois les résidents dans des situations extrêmement précaires », soutient Isabelle Guérard, coordonnatrice à l’AQDR.

Guylaine Moisan a décidé de se battre pour faire changer les choses. C’est d’elle et de l’AQDR qu’est venue de lancer cette pétition, parrainée par la députée de Sherbrooke Christine Labrie.

L’AQDR a également annoncé lundi la mise sur pied d’un groupe de travail composé de l’Association des locataires de Sherbrooke, du Centre d’assistance et d’accompagnement aux plaintes de l’Estrie, du Centre d’aide aux aînés victimes de maltraitance, de l’Association coopération familiale de l’Estrie et de la travailleuse de milieu à Sercovie. Ces organismes et ces intervenants, grâce à leurs expertises, travailleront de concert pour proposer des solutions afin d’améliorer les conditions de vie des personnes aînées en résidence privée.

Finalement, le Centre d’aide aux aînés victimes de maltraitance (CAAP-Estrie) a aussi annoncé une bonne nouvelle. L’organisme offrira dès le mois de juin un nouveau service d’assistance aux résidents de résidences privées pour aînés dans le règlement de leurs litiges en matière de baux. « C’est une avancée pour nos aînés, qui se trouvaient jusqu’à présent extrêmement démunis et vulnérables lorsqu’ils doivent faire face à des problématiques liées à leur bail », souligne le directeur du CAAP-Estrie, Serge Arel.

La pétition peut être signée sur le site : https://www.assnat.qc.ca/fr/exprimez-votre-opinion/petition/Petition-7741/index.html.

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