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Il est temps de travailler ensemble

Le 23 juin dernier, la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL) indiquait que pour nous assurer d’un niveau raisonnable de prix du logement au Canada d’ici 2030, nous devrions ajouter 3,5 millions d’unités au rythme actuel de production. Pour le Québec, cela représente 620 000 unités supplémentaires à construire.

JEAN-MARC FOURNIER, LA PRESSE

La SCHL estime que des mesures draconiennes doivent être prises, elle invite notamment les promoteurs à utiliser pleinement leurs terrains et les différents gouvernements à accroître l’efficacité des systèmes règlementaires. Elle conclut : « Pour relever ce défi, nous devons travailler ensemble et changer les pratiques en vigueur. »

Pouvons-nous prendre un nouveau départ, ensemble ?

La difficulté d’arrimage des programmes

Les programmes fédéraux et provinciaux en matière d’habitation sont pensés et adoptés sans concertation. Pas étonnant de constater des difficultés d’arrimage. Chacun définit ce qu’il entend comme abordable, parfois on tient compte des revenus des occupants, parfois non. Parfois, la réalité économique d’une région est considérée, parfois non.

Les villes, à leur tour, adoptent des politiques. Cela ajoute de nouvelles orientations difficiles à concilier. Puis, chacun de ces trois ordres de gouvernement est libre de changer son programme quand bon lui semble.

C’est ce qu’a fait Québec en abandonnant le programme Accès-Logis qui soutenait le volet social du Règlement pour une métropole mixte de la Ville de Montréal.

Il n’y a pas de doute, il faut changer les pratiques en vigueur.

Un financement inadapté, insuffisant et inadéquat

De manière générale, tous les programmes de soutien au logement souffrent du même défaut : leur financement n’est pas adapté aux différents milieux. Si les coûts de construction se ressemblent, la valeur foncière varie d’un endroit à l’autre ; or, trop souvent, les programmes ne tiennent pas compte de ces variations. Chaque unité que l’on ne construit pas en raison de cette inadaptation ajoute à la pénurie.

La portion des revenus des ménages consacrée à l’habitation est à la hausse, la SCHL en a fait la démonstration. L’Union des municipalités du Québec a documenté les besoins, pourtant, malgré les annonces gouvernementales, le financement demeure insuffisant.

Devant le défaut de Québec et d’Ottawa d’adopter des programmes adaptés et suffisamment financés, certaines villes, Montréal notamment, ont recours à des redevances foncières sur les nouvelles constructions de logements dans le but de voir apparaître sur le marché certaines unités à meilleur prix. Cette ponction fiscale est contreproductive puisqu’elle hausse les prix et freine le rythme des nouvelles constructions. Un financement plus adéquat doit être envisagé.

Clairement, il faut changer les pratiques, mais pouvons-nous travailler ensemble comme le demande la SCHL ?

Un nouveau départ

Les promoteurs, les décideurs publics et les grandes institutions peuvent choisir de prendre « ensemble » ce nouveau départ. Par exemple, la SCHL demande aux promoteurs de passer à l’action. D’accord, mais la pénurie de main-d’œuvre freine l’élan : plus de travailleurs étrangers ne nuiraient pas. On doit travailler « ensemble ».

Nos autorités politiques doivent concevoir leurs programmes en concertation. Adopter les mêmes définitions. Choisir des modalités qui s’arriment. Évidemment, ce nouveau partenariat public doit se poursuivre au-delà de l’adoption initiale. Ainsi si un ordre de gouvernement modifie son approche, il doit tenir compte des effets sur les autres décideurs.

Commençons par une idée toute simple : en février 2000, Québec adoptait un programme de remboursement de taxes pour les nouveaux logements, mais depuis, les coûts de construction et les valeurs des terrains ont explosé. La révision des valeurs et seuils admissibles à ce programme serait cohérente avec la volonté commune de viser des loyers plus raisonnables.

Financement adapté, suffisant et adéquat

Québec et Ottawa doivent s’entendre et financer à la hauteur des besoins et selon des modalités adaptées aux diverses réalités foncières. Dans cette démarche, ils pourraient ouvrir davantage la porte à la participation des fonds fiscalisés et des caisses de retraite. Ils devraient aussi fixer des cibles annuelles nationales et locales de production de nouvelles unités avec une reddition de comptes nous permettant, le cas échéant, de déterminer les causes du retard et les mesures correctrices à prendre.

Le financement local de l’habitation inclusive repose sur les redevances foncières, lesquelles haussent les coûts de loyer et les prix. C’est contreproductif.

Si les villes veulent ajouter à l’effort des ordres de gouvernement supérieurs, le recours aux redevances doit être limité.

Par exemple, dans le Règlement pour une métropole mixte, Montréal prélève une redevance sur les nouvelles unités pour lui permettre de favoriser le logement social et abordable. Bien qu’il serait préférable de ne pas recourir à ce moyen, on pourrait s’entendre pour limiter son effet pervers. La Ville pourrait réduire de moitié sa redevance et puiser l’autre moitié dans ses revenus des droits de mutation.

Souplesse règlementaire et simplification administrative

La SCHL appelle à accélérer la production de tous types de logements. La règlementation municipale doit être formulée en conséquence et les processus d’analyse et d’attribution des permis doivent être simplifiés. À cet égard, Montréal travaille depuis plus d’un an sur une transformation administrative au moyen d’une cellule facilitatrice ; les premières réformes sont prévues pour septembre, c’est encourageant. Espérons maintenant que le prochain Plan d’urbanisme et de mobilité favorisera « la densité heureuse dans chaque cour ».

La SCHL appelle à l’adoption de mesures draconiennes. De toute évidence, c’est sans doute le défi de travailler ensemble qui sera le plus exigeant. Les promoteurs souhaitent lancer le mouvement et aujourd’hui, nous tendons la main aux villes pour qu’ensemble, nous demandions à Québec et Ottawa de prendre ce nouveau départ avec nous.

Source: La Presse

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