Il faut qu’on parle du revenu des aînés

L’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées propose depuis plusieurs années de s’inspirer du revenu viable et de redéfinir, en tant que société, ce qui est décent comme niveau de vie «de base». (Archives La Presse)

Par Pierre Lynch, président de l’AQDR.

POINT DE VUE / Les cycles politiques et médiatiques étant ce qu’ils sont, les enjeux de société requérant notre attention sont souvent voués à émerger, puis disparaître sans connaître de dénouement, de progrès. Pour une association comme la nôtre, qui œuvre à défendre et promouvoir les droits des aînés du Québec, c’est un peu notre pain quotidien.

C’est encore le cas actuellement, alors que les crises frappant les aînés ont la particularité d’être massives, tout en demandant beaucoup de travail et d’efforts afin qu’on s’y attaque. Or, cela demande un investissement de temps qui, souvent, ne survit pas aux cycles.


Nous pourrions parler de la crise du système de maintien à domicile québécois, qui n’est tout simplement pas adapté à une dure réalité démographique qui finira par nous rattraper et nous coûter cher. Parler aussi de la crise du logement, qui fait mal aux aînés, surtout ceux et celles qui sont les plus vulnérables et qui font face à des évictions ou des hausses de prix insoutenables.

Cependant, une des crises dont on parle le moins est la crise du revenu des aînés, dont une part gigantesque, près de 39 %, est vouée à ne disposer que des revenus publics fédéraux tels que la pension de vieillesse (SV) et son complément, le supplément de revenu garanti (SRG). À cet effet, l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) a d’ailleurs dévoilé cette semaine la mise à jour de son étude portant sur le revenu viable, un indicateur économique développé afin d’identifier ce qu’est réellement un revenu permettant de vivre dans la dignité. Le constat est frappant : il faudrait entre 30 000 $ et 43 000 $, selon le lieu de résidence, pour pouvoir vivre dignement au Québec. Partout, l’indicateur du revenu viable nous indique que le prix de la dignité a augmenté plus rapidement que l’indice des prix à la consommation (IPC).

Lorsqu’on sait qu’un aîné seul ne bénéficiant que des revenus publics de base gagne environ 21 000 $ par année, l’écart est frappant. Pour illustrer à quel point ces aînés sont vulnérables, citons l’IRIS, qui dit que «pour une personne de 65 ans et plus qui reçoit les prestations de base, un emploi à temps plein au salaire minimum est nécessaire pour atteindre le revenu viable.»

Nous nous questionnons donc évidemment sur les notions de pauvreté et de dignité, en particulier lorsqu’un changement d’indicateur cohérent fait bondir, sur papier, la pauvreté. Pour nous, un constat est toutefois clair : l’écart actuel entre les revenus des plus vulnérables et le revenu viable est problématique et ne permet pas à toute une génération de citoyens aînés de participer et de s’épanouir dans notre société, tant les contraintes financières sont importantes.

L’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées (AQDR) propose depuis plusieurs années de s’inspirer du revenu viable et de redéfinir, en tant que société, ce qui est décent comme niveau de vie «de base». Il est difficilement concevable que nous fermions les yeux sur cette situation et plus l’action tarde, plus la pente du nécessaire rattrapage sera abrupte. Toutes les réflexions sur le revenu viable doivent donc tenir compte de la particularité des aînés et une vision devrait être développée en ce sens.

Alors que les aînés ont contribué toute leur vie à la construction du Québec et méritent leur retraite, il faut éviter de nous retrouver à nouveau dans un cycle politique et médiatique qui s’éteint. Le gouvernement doit s’inspirer d’études comme celles de l’IRIS et entreprendre un grand chantier de remise en question de nos indicateurs actuels, et ce, le plus rapidement possible.

— Pierre Lynch, président de l’AQDR

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