Source: La Presse
Dans la foulée de l’adoption de la loi 2, qui change leur mode de rémunération, de nombreux médecins québécois envisagent de faire leurs valises pour aller pratiquer ailleurs. Rémunération à l’acte, capitation, salaire : en plus d’être excessivement complexe, la manière dont les médecins sont payés varie d’une province à l’autre. L’expert Damien Contandriopoulos nous aide à y voir plus clair.
Québec
Au Québec, environ 70 % des médecins de famille étaient jusqu’ici rémunérés à l’acte, et les tarifs pour chaque acte étaient inscrits dans un manuel comportant des milliers de pages extrêmement techniques, explique le professeur à l’École des sciences infirmières de l’Université de Victoria, en Colombie-Britannique, qui a longtemps œuvré à l’Université de Montréal.
Les médecins spécialistes pouvaient aussi être rémunérés à l’acte, mais certains s’unissaient au sein d’un pool pour facturer leurs actes collectivement à la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) et ensuite redistribuer les paiements entre eux.
Les médecins pratiquant dans les Groupes de médecine familiale (GMF) reçoivent aussi une rémunération sous forme de capitation, c’est-à-dire qu’elle dépend de la complexité des cas et de la vulnérabilité des patients qu’ils prennent en charge.
Avec la loi 2, le gouvernement veut accorder plus d’importance au principe de la capitation : les médecins recevront une somme globale déterminée par le code de couleur attribué aux patients sur leur liste, allant du vert (en santé) au rouge (vulnérable).
Ils verront aussi 15 % de leur rémunération liée à des indicateurs de performance collective, qui pourront être des cibles nationales, à l’échelle de la province, ou locales et territoriales, pour une clinique ou une région.
Pour tenter d’améliorer l’accès à la première ligne, Québec exige aussi que chaque Québécois soit affilié à un milieu de soins près de son domicile, ce qui obligera les médecins de famille à se répartir la prise en charge des patients sur leur territoire.
Colombie-Britannique
En 2023, la Colombie-Britannique a lancé un nouveau système de rémunération pour ses médecins de famille : la rémunération longitudinale.
« Les médecins sont rémunérés 105 $ de l’heure pour toutes les heures travaillées, que le médecin soit en train de soigner un patient, de remplir des dossiers ou de faire la gestion des ressources humaines dans sa clinique », explique Damien Contandriopoulos.
À cela s’ajoutent environ 20 $ par visite en cabinet. Pour encourager les médecins à prendre en charge des patients vulnérables, une prime peut être versée à la fin de l’année.
Plus de 90 % des omnipraticiens ont choisi d’adopter ce nouveau système de leur plein gré plutôt que de conserver la rémunération à l’acte. Ce système repose toutefois sur la bonne foi des médecins qui déclarent leurs heures travaillées.
Bilan deux ans plus tard ? « Ce qu’on voit, c’est que beaucoup de médecins qui avaient une pratique à fort volume ont décidé d’avoir une pratique sûrement de qualité, mais à faible volume, observe M. Contandriopoulos. Et en Colombie-Britannique, c’est à peu près comme au Québec : une personne sur cinq n’a pas de médecin de famille, donc on est en train de réduire l’offre. »
Ontario
En Ontario, les médecins de famille qui se regroupent au sein d’une clinique sélectionnent d’abord leur modèle de pratique, qui déterminera ensuite leur mode de rémunération.
« Les Community Health Centres, davantage centrés sur la participation de la communauté et les clientèles vulnérables, ont des modèles qui fonctionnent par capitation. Les médecins prennent en charge un certain nombre de patients, et sont payés principalement en fonction de ce nombre », explique l’expert.
D’autres cliniques fonctionnent à l’acte ou à salaire. « C’est intéressant, parce que les médecins s’organisent entre eux, précise Damien Contandriopoulos. Depuis toujours, les données sur le Canada montrent que l’accès à un médecin de famille en Ontario est de loin meilleur à celui dans toutes les autres provinces canadiennes. »
Les médecins spécialistes sont aussi payés à l’acte, mais de plus en plus, des projets pilotes misent sur des pools au sein d’une même spécialité.
Nouveau-Brunswick
Au Nouveau-Brunswick, les médecins ont aussi le droit de choisir leur mode de rémunération, tant les spécialistes que les omnipraticiens. Près de 20 % d’entre eux ont décidé d’être des salariés de l’État, ce qui leur donne droit à des avantages sociaux, rapporte la Société médicale du Nouveau-Brunswick.
Les spécialistes choisissent le plus souvent la rémunération à l’acte. Les médecins sur une unité dans un hôpital peuvent aussi conclure une entente pour l’ensemble de leur groupe et se diviser la somme versée – un autre exemple de pool, en quelque sorte.
En plus de pouvoir être salariés, les médecins de famille ont le choix parmi plusieurs options de rémunération, notamment la facturation à l’acte.
D’autres choisissent un modèle 50-50 : environ la moitié en paiement à l’acte et l’autre par capitation. La somme établie par patient pris en charge est fixée selon un index de complexité, basé entre autres sur l’âge et le sexe.
D’autres modèles ressemblent aux GMF du Québec, où le gouvernement ajoute des appuis financiers pour l’embauche de personnel administratif ou d’autres professionnels de la santé.
Règle générale, les médecins qui acceptent de travailler au sein d’équipes ont des tarifs bonifiés.
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