Èlisabert
(Québec) Le comité des résidents du centre d’hébergement Christ-Roi n’est plus. Ses membres viennent de démissionner en bloc en raison du style de gouvernance imposé par le ministre de la Santé, Gaétan Barrette.
Ce n’est pas de gaieté de coeur que cette décision a été prise, souligne en entrevue au Soleil le président du comité, Michel Cantin, qui a passé plus de 20 ans à représenter les résidents du centre d’hébergement Christ-Roi.
«J’y ai connu des personnes remarquables. Du temps du CSSS de la Vieille-Capitale, nous avons réalisé de belles choses en collaboration avec la direction. Malheureusement, cette époque est révolue», écrit M. Cantin dans une lettre adressée aux résidents et à leurs familles.
Depuis l’implantation de la réforme Barrette, en 2015, il est devenu très difficile pour le comité de jouer son rôle, explique Michel Cantin. «Il n’y aurait pas eu de comité de résidents au centre d’hébergement Christ-Roi que ça n’aurait rien changé. Ça fait plus de deux ans qu’on ne nous consulte plus», déplore le bénévole.
Les décisions sont prises «à un très haut niveau, le plus souvent au ministère, jusque dans les plus petits détails, par des technocrates qui sont très loin de la réalité du terrain», constate-t-il.
En témoigne la tristement célèbre «saga des liqueurs», illustre M. Cantin, selon qui «la population ne s’est pas trompée en trouvant ridicule qu’il faille remonter jusqu’au ministère pour décider si on pouvait donner des liqueurs aux résidents qui en faisaient la demande lors de leurs repas».
Pas de latitude
Michel Cantin déplore que les gestionnaires n’aient «pratiquement plus aucune latitude». «Les décideurs se cachent derrière leurs subalternes pour éviter de nous rencontrer et avoir à défendre des décisions difficilement défendables. Aucune consultation n’est possible dans un tel mode de gouvernance; on ne fait que nous informer à la dernière minute des décisions prises sans donner aucune justification», résume M. Cantin dans le courriel qu’il a envoyé au président du comité des usagers de la Vieille Capitale, Gaëtan Pruneau, pour lui annoncer la décision des neuf démissionnaires.
À l’époque du CSSS de la Vieille-Capitale, l’administration cherchait le plus possible à s’adapter et à répondre aux besoins des résidents, se souvient Michel Cantin. «Depuis la réforme [qui a créé les CISSS et les CIUSSS], ce sont les résidents qui doivent s’adapter aux besoins de l’administration», dénonce-t-il.
Depuis 10 mois, le comité des résidents n’a plus d’adjointe administrative pour l’aider notamment à communiquer avec les répondants des résidents, l’établissement ayant décidé d’abolir son poste, illustre M. Cantin. «On aurait voulu nous affaiblir et nous mettre des bâtons dans les roues qu’on n’aurait pas agi autrement», s’indigne-t-il.
Style de gouvernance problématique
Manque de transparence – «on nous donne le moins d’informations possible» -, manque d’empathie pour les résidents, sous-financement des CHSLD, manque de ressources, personnel épuisé… Pour Michel Cantin, c’est le style de gouvernance imposé par le ministre Barrette qui pose problème, «beaucoup plus que les gestionnaires qui doivent se débrouiller avec les ressources qu’on leur accorde et le peu de latitude qu’on leur laisse».
«C’est une honte que notre société ne donne pas de meilleures conditions de vie» à ses aînés, laisse tomber M. Cantin en entrevue, la gorge nouée.
Le constat est le même dans plusieurs comités de résidents et d’usagers à travers la province, observe-t-il. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’un comité des résidents démissionne. Celui du CHLSD Herron, dans l’ouest de Montréal, a jeté l’éponge en février dernier, se disant incapable de remplir son rôle de défense des droits des résidents.