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Le risque de mourir

La pandémie a donné la frousse aux Québécois, en particulier aux centaines de milliers de personnes qui ont atteint un âge vénérable. Je connais même un Lavallois qui lave son paquet de steak haché à l’eau de vaisselle quand l’épicerie arrive du supermarché…

Il faut dire que les chiffres font peur. Plus de 5000 morts ont été comptés à ce jour, dont environ 95 % sont des personnes de 65 ans et plus.

Mais au bout du compte, la question qu’il faut se poser, c’est quels aînés sont frappés par la pandémie au juste ? Et en particulier, quel est le risque de décès chez ceux qui, très largement majoritaires, demeurent tranquillement dans leur bungalow, leur condo ou leur logement, bref, à domicile ?

Dans les premières semaines, il était difficile de répondre clairement à cette question, compte tenu de la rareté des données. Mais après trois mois, le portrait devient plus net, surtout si l’on croise les différentes bases de données à notre disposition. Les réponses sont importantes, car elles pourraient nous guider pour une éventuelle deuxième vague.

Premier point de départ : dans l’ensemble de la population, le coronavirus a fait environ 6 décès par tranche de 10 000 personnes au Québec à ce jour. Je sais, ce dénominateur de 10 000 n’est pas commun, mais il me faut l’utiliser pour illustrer mon propos, vous allez comprendre pourquoi. Donc 6 sur 10 000 personnes.

Sur son site internet, l’Institut national de santé publique (INSPQ) ventile les décès selon le milieu de vie, ainsi que par tranches d’âge. Et après plusieurs recherches, j’ai pu obtenir le nombre de personnes qui vivent dans ces milieux de vie, que ce soit dans les CHSLD, les résidences pour aînés, les ressources intermédiaires ou à domicile.

Résultat ? Dans les CHSLD, les quelque 3500 morts représentent un taux de décès de 865 personnes par tranche de 10 000, ce qui est très imposant. Et dans la région de Montréal, c’est encore bien davantage. Ce nombre de décès élevé s’explique, outre les lacunes des autorités, par la santé précaire des résidants, qui sont ce qu’on appelle des cas lourds (démence, alzheimer, mobilité réduite, etc.).

Le deuxième milieu de vie le plus atteint est celui qui a été baptisé Ressources intermédiaires (RI). Il s’agit de centres pour des personnes âgées qui ont besoin de soins, mais qui ne sont pas encore des cas aussi mal en point qu’en CHSLD. Dans ces RI, on recense près de 200 décès par tranche de 10 000 résidants aujourd’hui.

Il y a aussi, bien sûr, les résidences privées pour aînés (RPA), où vivent quelque 139 500 personnes, la plupart autonomes ou semi-autonomes (1). Le taux de décès y est de 62 pour 10 000 résidants, ce qui est 14 fois moins que dans les CHSLD, tout de même.

Connaissant les décès dans tous ces foyers, il est assez facile de faire une estimation pour les autres personnes âgées, celles qui vivent dans leur bungalow, par exemple. Elles sont nombreuses : en 2019, près de 1,5 million de personnes de 65 ans et plus peuvent être considérées comme à domicile, tout compte fait, soit hors de ces CHSLD, RPA et autres.

Leur taux de décès ? Seulement 2 par tranche de 10 000 personnes, ce qui est 400 fois moins que dans les CHSLD. Vous comprenez maintenant pourquoi j’ai dû prendre 10 000 comme dénominateur, sans quoi ce taux aurait été trop petit pour bien comprendre (2).

Bref, le risque de décès des aînés à domicile est très peu élevé, somme toute. Oui, il est passablement plus grand que celui des personnes de moins de 65 ans, d’environ 0,4 par 10 000 – et il serait plus élevé dans la région de Montréal –, mais on est loin de l’hécatombe qu’on pouvait imaginer au départ.

Trois raisons expliquent ce faible taux. D’abord, le confinement, les mesures de distanciation physique et le port d’un masque ont vraisemblablement eu un effet. Deuxièmement, les personnes à domicile sont moins sujettes aux multiples contacts que celles des grands foyers pour aînés. Troisièmement, une très grande partie d’entre elles sont encore en très bonne santé et donc plus à même de résister au damné virus, probablement.

Ce faible taux de décès ne signifie pas qu’il faut baisser la garde. Même s’ils ne meurent pas, les malades, souvent âgés de 50 ans ou plus, finissent fréquemment par emplir les hôpitaux, saturant ainsi le réseau. Cette saturation peut alors empirer le problème.

Ce qui m’amène à parler de l’importance des politiques pour le maintien à domicile des aînés.

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