Héloïse Archambault – Journal de Montréal – 7 février 2019
Les CHSLD privés dénoncent la «problématique majeure» des écarts de financement qui nuisent aux soins offerts aux résidents, et exigent un montant minimal uniforme.
Le montant payé par le gouvernement pour un patient en perte d’autonomie varie de 160 à 250 $ par jour dans les 46 CHSLD privés, au Québec, a appris Le Journal.
«C’est énorme, c’est aberrant», dénonce le président de l’Association des établissements de longue durée privés du Québec, Michel Nardella.
Annuellement, cette disparité se traduit par des écarts de financement allant jusqu’à 1,5 million $ entre les résidences, calcule-t-il. Rappelons que les places en CHSLD privés sont achetées par le réseau public.
L’Association a envoyé, le 11 janvier, une lettre au ministère de la Santé et des Services sociaux pour réclamer un montant minimal de 215 $ par jour, par résident. Selon les options, le taux pourrait être majoré jusqu’à 270 $ par jour.
«La variation énorme des per diem entre les CHSLD vient affecter directement les opérations au quotidien, donc, les résidents», indique la lettre obtenue par Le Journal.
«On ne peut pas marchander des soins pour les personnes âgées. On n’est pas en train de construire un pont ou une autoroute. On définit les besoins comme société, mais on ne donne pas le même montant [au privé] pour faire la même job», explique M. Nardella.
Roulement de personnel
Dans le réseau public, le coût estimé par jour est de 238 $, en plus du médecin, selon le ministère. Récemment, plusieurs reportages ont fait état des mauvais soins aux aînés, notamment à la résidence privée L’Éden, à Laval.
Or, l’Association dénonce un manque de financement généralisé des établissements privés.
Avec la possible hausse de salaire des employés au public, les CHSLD privés déplorent ne pas pouvoir offrir la même chose. Ainsi, ils ont un haut taux de roulement du personnel.
«On n’est pas capables de donner plus avec notre financement», clame M. Nardella.
«C’est sûr que ça fait un dommage collatéral sur les résidents, dit-il. […] On se retrouve devant une grosse problématique qui va exploser.»
Pas de marge
Généralement, le financement quotidien au privé est établi de gré à gré entre le propriétaire de l’établissement et les directions régionales du ministère. Si aucune entente ne survient, un appel d’offres peut être lancé.
Or, l’Association souligne que les propriétaires craignent de perdre le contrat et ont peu de marge de négociation.
Malgré tout, on se dit encouragé par l’arrivée de la Coalition avenir Québec au pouvoir.
► Les CHSLD privés représentent environ 4000 lits de longue durée au Québec.
NOUVELLES EXIGENCES DU MINISTÈRE EN CHSLD QUI COÛTENT PLUS CHER
Deuxième bain
Améliorer la qualité des repas
Hausser les salaires des préposés
Plus de visites ministérielles
Réduire les ratios de résidents par employé
Source : Association des établissements de longue durée privés du Québec
Le gouvernement refuse de commenter les ratios élevés en CHSLD
Deux ministres du gouvernement de la CAQ refusent de donner des explications quant aux ratios d’employés très élevés la nuit, dans les CHSLD.
La ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, a refusé jeudi de commenter la situation mise au jour par Le Journal grâce à la loi d’accès à l’information.
La ministre Marguerite Blais, responsable des Aînés, a aussi décliné la demande d’entrevue.
Le Journal révélait jeudi que des infirmières qui travaillent de nuit en CHSLD ont souvent plus de 100 résidents à leur charge, parfois jusqu’à 169 patients.
Même si elles sont aidées par des préposés et des infirmières auxiliaires, ces professionnelles sont les seules à pouvoir évaluer les résidents.
Selon plusieurs employés et syndicats, cette situation est dangereuse pour les patients.
Présentement, il n’existe aucun ratio maximal imposé par le ministère de la Santé.
Plus d’employés
De son côté, le député libéral André Fortin a souligné jeudi que les projets pilotes « ratios », qui prévoient une hausse du nombre d’employés en CHSLD, doivent être déployés.
«On voit déjà que ç’a un impact positif, tant pour la qualité de vie du personnel que pour la qualité de vie des gens qui sont dans les CHSLD», a dit le porte-parole en matière de santé.
«La solution est là […], on s’attend à ce que la ministre McCann [la] mette en place.»