Denis Lapointe – 14 mars 2017
En effet, il semblerait que ce soit le Groupe Maurice qui ait été le premier à répondre à cette demande du Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) formulée en 2003 dans sa politique de soutien à domicile à l’effet que l’on souhaitait ardemment voir émerger différents modes de logement adaptés aux besoins des aînés ayant une incapacité significative et persistante, de manière à ce que ces derniers disposent de véritables choix, entre le domicile traditionnel et les formules actuelles comme le centre d’hébergement.
Puis d’autres promoteurs immobiliers ont trouvé l’idée intéressante et on peur constater une popularité croissante de cette formule d’hébergement avec services. Pour n’en nommer que quelques-uns pensons aux résidences Villagia de l’Ile Paton à Laval, à la Résidence pour aînés Azur de la Société de gestion Cogir, au Boisé Notre-Dame à Laval et à des projets en cours avec les groupes Sélection et Chartwell.
- De la bouche même de la sous-ministre adjointe de la Direction générale des services sociaux, Mme Lyne Jobin, le propriétaire « d’un condo dans un immeuble où est situé une résidence privée pour aînés ne fait pas partie de la résidence privée pour aînés et les unités qui ne sont pas des unités locatives ne sont pas considérées comme étant certifiées ni comptabilisées dans le registre des résidences privées pour aînés ». Donc, retenez qu’il pourrait y avoir deux classes de résidents dans un complexe pour personnes aînés, soit les locataires qui occupent des unités certifiées et protégées par la Loi sur les services de santé et services sociaux et les propriétaires de condos qui logent à la même adresse et utilisent espaces communs et services de la résidence mais qui ne résident pas selon la sous-ministre dans la résidence privée. Vous comprenez? Et bien pas moi!
D’ailleurs, avec tout respect, je ne peux partager cette « lecture » que fait la sous-ministre de la définition de ce qu’est une résidence privée pour aînés qu’on peut trouver à l’article 346.0.1 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Jugez-en par vous-mêmes:
Aux fins de la présente loi, est une résidence privée pour aînés tout ou partie d’un immeuble d’habitation collective occupé ou destiné à être occupé principalement par des personnes âgées de 65 ans et plus et où sont offerts par l’exploitant de la résidence, outre la location de chambres ou de logements, différents services compris dans au moins deux des catégories de services suivantes, définies par règlement: services de repas, services d’assistance personnelle, soins infirmiers, services d’aide domestique, services de sécurité ou services de loisirs. Le coût de ces services peut être inclus dans le loyer ou être payé suivant un autre mode.
- Rien n’interdit dans cette définition la co-existence de condos-services et d’appartements-services situés à la même adresse. La définition semble exiger qu’il n’y a pas de résidence privée pour aînés s’il n’y a d’appartements-services en location qui sont offerts mais on ne retrouve aucune exigence d’exclusivité de ce type d’hébergement à l’intérieur du complexe immobilier pour que l’immeuble d’habitation puisse se qualifier de résidence privée pour aînés.
- La méprise dont fait preuve la sous-ministre provient des changements apportés à la Loi sur les services de santé et les services sociaux en 2011 lorsqu’on a voulu resserrer le processus de certification des résidences privées pour aînés. Malheureusement, les juristes qui ont œuvré à l’époque à la préparation du projet de loi 16 ont fait preuve d’un manque de connaissance de la structure de certaines résidences privées pour aînés qui comportaient des unités locatives et des unités en copropriété divise. En effet, comment peut-on penser qu’un complexe immobilier pour retraités pour lequel on exige la certification d’une agence gouvernementale pour porter le nom de « résidence privée pour aînés » ne puisse garantir à tous ses résidents (locataires ou propriétaires) que des normes similaires de conformité s’appliquent à chacune des parties du complexe immobilier occupé par des aînés. Il est impensable qu’il y ait a l’intérieur du même complexe des aînés qui vivent dans une RPA certifiée et d’autres qui vivent dans une RPA non certifiée. Il aurait été pourtant bien simple d’exiger d’inclure dans la certification l’ensemble des unités destinées à l’habitation, point à la ligne.
- De cette interprétation illégale, insensée et surannée de ce qu’est une résidence privée pour aînés et que véhicule encore le MSSS découlent toute une série d’aberrations qui engendrent un lot d’injustices pour une bonne partie des occupants de condos-services des RPA. En voici quelques-unes:
– L’acheteur éventuel d’une unité de condo-services dans une RPA qui voit l’attestation de conformité affiché dans une RPA peut être induit en erreur, croyant qu’il se portera acquéreur d’une unité certifiée alors que ce n’est pas le cas (comme le mentionne si bien la sous-ministre). Il ne me viendrait jamais à l’esprit qu’un exploitant d’une RPA puisse offrir des services de moindre qualité aux occupants de condos-services mais je vois mal ce qui pourrait l’en empêcher si le condo n’est pas certifié et qu’il n’est pas situé dans la RPA, comme le prétend la sous-ministre.
– Le Règlement sur les conditions d’obtention d’un certificat de conformité et les normes d’exploitation d’une résidence privée pour aînés exige que l’exploitant d’une RPA pour aînés doive maintenir, pendant la durée du bail et sans augmentation de coût ni diminution d’intensité, l’ensemble des services qui sont prévus au bail et à son annexe. Il prévoit en outre que tout résident doit être traité avec courtoisie, équité et compréhension, dans le respect de sa dignité, de son autonomie et de ses besoins. Qu’en est-il pour ceux qui occupent des condos qui ne font pas partie de la RPA (selon la sous-ministre)?
– Vous souffrez de la maladie d’Alzheimer et votre conjoint porte des séquelles d’un accident cardio-vasculaire. Les autorités fiscales vous ont accordé le statut de personnes non autonomes notamment parce que vous souffrez de déficience grave et prolongée des fonctions mentales et physiques. En sus le fédéral vous reconnaît comme handicapés. Par chance la RPA offre le service de repas à la salle à manger et vos amis qui sont locataires de cette RPA vous ont mentionné que vous pourriez avoir droit au crédit d’impôt pour maintien à domicile pour vos repas pris à la RPA. Normal me direz-vous? Non, pas pour la sous-ministre ni le ministre du revenu qui estiment que vous ne restez pas à la RPA parce que vous occupez un condo-services. L’officier de Revenu Québec ira probablement même jusqu’à vous suggérer de contacter la Popote Roulante pour vous faire livrer un repas au condo en vous disant que vous pourrez alors bénéficier du crédit d’impôt car ce service est fourni par une organisation sans but lucratif qui livre à domicile. Ah oui? Bien sûr vous dira probablement l’officier car il s’agit d’un crédit de « maintien à domicile » et votre domicile n’est pas dans la RPA. Il vous faut donc rester entre vos quatre-murs pour avoir accès au crédit et ……on repassera pour la vie communautaire.
– Vous recevez votre facture mensuelle pour les services rendus par la RPA et vous constatez que cette dernière est supérieure aux frais indiqués dans le mémo de frais? Malheureusement, le fisc exonère les fournitures de biens et services fournis par une RPA à un locataire de la résidence. Or, vous n’avez pas de bail et vous ne restez même pas dans la RPA!
Voilà ce ne sont là que quelques conséquences pernicieuses de ces pratiques gouvernementales mal adaptées à la réalité vécue sur le terrain par les aînés.