Maltraitance en CHSLD: Québec envisage la dénonciation obligatoire

Tommy Chouinard – La Presse – 25 mars 2017

Québec — Après avoir écarté l’idée depuis des mois, Québec songe à obliger les employés des CHSLD à dénoncer les actes de maltraitance dont ils sont témoin. L’histoire de la préposée aux bénéficiaires qui aurait maltraité 11 aînés du CHSLD de Beauceville alimente sa réflexion.

Comme La Presse l’a révélé hier, cette employée a été dénoncée par deux collègues de travail à la fin de février. La direction du CHSLD a alors déclenché une enquête interne. D’autres employés ont corroboré les allégations de maltraitance. Début mars, la préposée a été poussée à la retraite. Le dossier a été transmis à la Sûreté du Québec. Une histoire « troublante » et « triste », selon le gouvernement et l’opposition.

« Quand j’ai lu l’article, j’ai eu une réflexion et j’ai appelé ma gang pour lui dire : “Vous voyez, la dénonciation, ça fonctionne.” Maintenant, il faut l’inciter encore plus et il faut renforcer, comme on veut le faire avec le projet de loi 115, tous les outils qu’on a », a affirmé la ministre responsable des Aînés et de la Lutte contre l’intimidation, Francine Charbonneau, en entrevue à La Presse.

Déposé l’automne dernier, ce projet de loi vise à « lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité ». Québec veut faciliter la dénonciation.

Or, il ne va pas jusqu’à obliger tout employé du réseau de la santé et des services sociaux à dénoncer les actes de maltraitance. Cette mesure était pourtant comprise dans un projet de loi déposé par l’ex-députée Marguerite Blais lorsque les libéraux étaient dans l’opposition, en 2013.

En campagne électorale, Philippe Couillard s’était engagé à « reprendre » le contenu de cette pièce législative et donc à adopter le signalement obligatoire. Il promettait également d’imposer « des amendes pour toute personne qui entraverait la lutte contre la maltraitance », ce qu’on ne retrouve pas davantage dans le projet de loi 115.

Une obligation ?

Les choses sont toutefois en train de changer. « En CHSLD, est-ce qu’on ne se devrait pas de poser une obligation ? C’est une très bonne réflexion. Je suis en train de regarder toutes les possibilités qui s’offrent à moi. J’ai beaucoup d’ouverture », a indiqué Francine Charbonneau.

Elle étudie ainsi « avec beaucoup d’attention » l’option de la dénonciation obligatoire. Mais pas pour tous les cas de figure. « Mon voisin de 63 ans, il habite seul, il a toute sa tête, il est très autonome, il fait du bénévolat, il est impliqué dans sa communauté, je ne suis pas sûre que je vais imposer dans son environnement la même obligation. Je veux trouver un espace sans enlever la volonté et l’autonomie des aînés au Québec », a expliqué la ministre. Pour les aînés qui ne sont pas en CHSLD, « on peut mettre d’autres outils pour que tout le monde se responsabilise ».

Le gouvernement a suspendu l’étude détaillée du projet de loi 115 en commission parlementaire. Francine Charbonneau entend « revenir bientôt avec des amendements » à sa pièce législative.

L’opposition piaffe d’impatience. « Il y a urgence d’avancer avec le projet de loi 115 », a soutenu le député François Paradis, porte-parole de la Coalition avenir Québec pour les aînés.

« Dénonçons obligatoirement les actes de maltraitance pour faire en sorte qu’on n’ait pas à vivre encore une fois une histoire comme celle qu’on nous rapporte. »

— François Paradis, député de la Coalition avenir Québec

Avec Marguerite Blais, il a coécrit une lettre publiée dans La Presse le 20 mars pour faire pression sur le gouvernement.

Le Parti québécois réclame lui aussi la dénonciation obligatoire, après avoir été hésitant sur cet enjeu. Les consultations en commission parlementaire l’ont persuadé du bien-fondé de cette mesure. « Le cas de Beauceville me convainc encore plus qu’il faut trouver une façon de rendre le signalement obligatoire », a affirmé le député Harold LeBel, porte-parole de l’opposition officielle pour les aînés.

Pour Amir Khadir, de Québec solidaire, « le projet de loi ne va pas assez loin et manque de dents. Il est plus que temps que les dénonciations soient obligatoires ». Plusieurs groupes de défense des droits des aînés demandent également au gouvernement d’adopter cette mesure.

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