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Réforme du système de santé : Face à l’échec, que faire ?

Opinion – Claude Castonguay  – Ex-ministre de la Santé et ex-président du Groupe La Laurentienne – La Presse Plus

Les ratés actuels sont le résultat de la centralisation excessive des pouvoirs entre les mains du ministre Gaétan Barrette.

Les données publiées récemment par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) sur notre système de santé constituent un véritable feu rouge. Les constats qui se dégagent de l’analyse effectuée par Damien Contandriopoulos, de l’Université de Montréal, sont en effet saisissants.

Tout d’abord, on constate qu’à l’exception de la rémunération des médecins, toutes les composantes de notre système de santé ont subi des coupes au cours des années 2010 à 2015. Pendant que les médecins voyaient leur rémunération augmenter de 2,6 milliards, le gouvernement imposait des coupes aveugles dont les effets ont été fort négatifs, bien souvent sur les plus vulnérables de la société.

Comparées au cadre établi par le gouvernement en 2014 pour les négociations dans le secteur public, soit au total 3 % sur cinq ans, les augmentations de 35 % pour les médecins spécialistes et de 23 % pour les omnipraticiens apparaissent nettement excessives. Elles ont d’ailleurs produit leur lot de médecins qui en ont bénéficié grassement.

Lorsque le ministre a fait adopter sa réforme en bâillonnant l’opposition à l’Assemblée nationale, ce qui était prévisible s’est produit. Le volume et la qualité des soins reçus par les Québécois pendant la période ont régressé. En effet, alors que la demande de soins a subi le double effet de l’accroissement de 4 % de la population et de son vieillissement, le volume des services médicaux n’a augmenté que de 1 %.

Le constat est évident : la réforme conçue et imposée par Gaétan Barrette est un sérieux échec. Certains qualifient cet échec de désastre.

D’ailleurs, dans une récente étude, le très crédible Commonwealth Fund conclut que notre système de santé et de services sociaux, qui pendant longtemps a été vu comme un modèle, se classe parmi les moins performants.

L’échec de la réforme est le résultat de la centralisation excessive des pouvoirs entre les mains du ministre, du chambardement stérile des structures, d’un épuisant remaniement des personnels, du véritable mépris manifesté par le ministre à l’endroit des médecins de famille, des infirmières, des pharmaciens et, en somme, de tous ceux qui ne sont pas des spécialistes. Présentement, personne dans le système n’ose dénoncer la situation de peur de représailles. D’ailleurs, le ministre a éliminé toute voix possiblement discordante et muselé le Commissaire à la santé qui agissait comme la conscience du système.

Les intéressés se demandent tous ce qu’attend Philippe Couillard pour agir. En tant que premier ministre et avec sa connaissance de la santé, il est sûrement conscient de la situation.

Je ne peux m’empêcher de conclure que s’il n’intervient pas, c’est qu’il a conclu en vue des élections de 2014 un pacte avec Gaétan Barrette afin de l’attirer chez les libéraux.

Pour le premier ministre, au lieu d’avoir le bon docteur comme adversaire – lui qui l’avait roulé dans la farine en acceptant d’arrimer la rémunération des médecins sur celle de l’Ontario –, il ferait partie de son équipe comme ministre de la Santé. En prime, il lui a de toute évidence donné carte blanche.

Comment expliquer autrement, simplement à titre d’exemple, que le premier ministre ait accepté sans broncher l’abolition de l’important poste de Commissaire à la santé ? Une fonction qu’il a lui-même créée alors qu’il était ministre de la Santé et à laquelle il attachait beaucoup d’importance.

Aujourd’hui, Philippe Couillard est placé dans une situation plutôt difficile. Face à l’échec, il doit choisir entre deux voies.

Il peut choisir de ne pas intervenir, laisser les choses suivre leur cours et se retrouver en octobre 2018 devant des électeurs qui vont reprocher aux libéraux d’avoir encore une fois manqué à leurs promesses en santé. D’ailleurs, un récent sondage faisait ressortir le fait que seulement 18 % des répondants croient qu’il y a amélioration de la situation et que 78 % étaient mécontents de la performance de Gaétan Barrette.

Par contre, le premier ministre pourrait prendre les grands moyens, nommer un nouveau ministre et mettre clairement le cap, dans le respect des intervenants, sur les changements nécessaires en fonction des besoins des patients. Même s’il est trop tard pour réparer les dommages avant les prochaines élections, ces changements permettraient d’entrevoir une amélioration possible de la situation. En somme, faire un virage comme ce fut fait en éducation.

Comme on peut le voir, le premier ministre risque fort de regretter le pacte qu’il a conclu, sans trop réfléchir aux conséquences, dans la fébrilité de la course à la direction du Parti libéral.

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