Personnes âgées Le sens de l’orientation sous la loupe des chercheurs

Mathieu Perreault – La Presse – 13 décembre 2017

Les personnes âgées vivent souvent sous l’épée de Damoclès d’une chute. Elles peinent à se retrouver dans un quartier qui ne leur est pas familier et à suivre des indications routières. Et si elles souffrent de la maladie d’Alzheimer, elles risquent fort de se perdre et de ne pas retrouver leur chemin jusqu’à leur demeure.

Tous ces problèmes ont un point commun :  le sens de l’orientation, qui fait partie de la catégorie psychologique plus générale de « cognition spatiale ». Psychologues et neurologues s’y intéressent de plus en plus, au point qu’une session était consacrée à la question à la dernière réunion annuelle de l’Association américaine de psychologie (APA), en août à Washington.

« Jusqu’à tout récemment, la cognition spatiale était surtout étudiée chez les plus jeunes, pour mettre au point des tests utilisés par l’armée et les professions qui s’en servent beaucoup, par exemple les pilotes, explique Scott Moffat, psychologue à l’Université Georgia Tech, qui étudie l’impact du vieillissement sur cette capacité. Mais on se rend compte que c’est une composante importante et distincte de l’altération des capacités cognitives avec l’âge. Depuis quelques années, on fait beaucoup de progrès. Le Nobel de médecine a récompensé en 2014 la découverte de deux cellules cruciales pour l’orientation et les déplacements. »

Ces cellules, appelées « de lieu » et « de grille », sont situées dans deux régions du cerveau qui sont attaquées en premier par la maladie d’Alzheimer. Elles pourront éventuellement être utilisées pour mettre au point des molécules améliorant la cognition spatiale des aînés et peut-être même diminuer le risque d’errance chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer.

« Pour le moment, on n’a pas de médicament spécifique pour la cognition spatiale. On sait que l’éducation augmente cette capacité, mais on ne sait pas comment. On pourrait aussi étudier les caractéristiques du cerveau des aînés dont la cognition spatiale est moins affectée par le vieillissement, et des patients souffrant d’alzheimer qui sont capables plus longtemps de retrouver leur chemin. »

— Scott Moffat, psychologue à l’Université Georgia Tech

Des médicaments visant les cellules de lieu et de grille pourraient aussi atténuer les effets cognitifs d’un changement de domicile, par exemple vers un centre d’accueil. « Un déménagement est souvent associé à de la confusion chez les personnes très âgées, dit M. Moffat. C’est une question très peu étudiée. Mais il est possible que le mécanisme soit le même que pour l’anxiété spatiale, un trouble qui survient plus jeune quand les gens se trouvent dans des lieux inconnus. »

Se méfier du GPS ?

Des études chez les chauffeurs de taxi de Londres ont montré que leur cognition spatiale est meilleure que celle de la moyenne de la population, selon Douglas Wallace, psychologue de l’Université de l’Illinois du Nord qui organisait la session de l’APA. « Ça pourrait signifier que plus on utilise cette capacité, plus elle se maintient en bonne forme, dit M. Wallace. C’est une mauvaise nouvelle si on considère que l’utilisation de plus en plus courante du GPS fait en sorte que les gens n’ont plus besoin de mémoriser leurs itinéraires. Il reste à savoir si suivre les instructions vocales d’un GPS stimule autant les neurones que mémoriser ou suivre un itinéraire écrit sur un papier ou qu’on nous a donné au téléphone. »

Et les chutes ? « Il n’est pas encore certain que les cellules de lieu et de grille jouent un rôle aussi important que la perte de masse musculaire, l’augmentation du temps de réaction et l’équilibre en général, dit M. Wallace. Nous avons fait beaucoup de progrès dans la compréhension du système vestibulaire responsable de l’équilibre. Je m’attends à ce qu’il y ait des impacts cliniques, peut-être des médicaments ou alors des prothèses, à moyen terme. »

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