Pourquoi les maisons des aînés créent-elles moins de places que promis ?

Article La Presse, publié le 29 septembre 2024.

De plus en plus de personnes âgées sont coincées à l’hôpital, faute de places en CHSLD. Et pourtant, 30 maisons des aînés et maisons alternatives sont actuellement ouvertes. Comment expliquer que ces nouvelles résidences n’offrent pas toujours de place à des aînés qui en attendent une ?

Des résidants de CHSLD dans les maisons

Une trentaine de maisons des aînés et maisons alternatives, sur les 46 annoncées, ont ouvert leurs portes jusqu’à présent, selon le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). En date du 18 septembre, leurs 2496 places étaient occupées à 77,8 %, indique Québec.

Une bonne nouvelle en soi, mais qui cache une réalité moins rose. À l’heure actuelle, une douzaine de maisons hébergent en majorité des résidants de CHSLD qui subissent des rénovations ou sont fermés, a constaté La Presse, qui a obtenu des données auprès de plus d’une vingtaine d’établissements de santé.

Ces places en hébergement ne représentent donc pas un ajout net dans le réseau public. Du moins pour le moment.

Dans le Bas-Saint-Laurent, pratiquement 100 % des personnes hébergées dans le volet aînés de la maison proviennent d’un CHSLD fermé, selon le CISSS régional.

Dans Lanaudière, les 143 résidants des maisons des aînés de Mascouche, L’Assomption et Repentigny habitaient auparavant dans deux CHSLD « fermés temporairement pour rénovations », indique le CISSS de la région.

À la maison des aînés et alternative de Drummondville, les 60 places destinées aux personnes âgées ont été comblées par le déménagement des résidants d’un CHSLD ainsi que de son personnel.

« Les locaux laissés vacants du centre d’hébergement permettent de répondre aux différents besoins de locaux de l’hôpital Sainte-Croix […] mais également pour faciliter les rénovations fonctionnelles planifiées », écrit le CISSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec.

À la maison de Sainte-Agathe-des-Monts dans les Laurentides, les trois quarts des usagers proviennent du CHSLD de Mont-Tremblant, « fermé pour des travaux de rénovation », précise le CISSS de la région.

Même situation aux maisons de Sainte-Foy et de Lebourgneuf, où, lors de leur ouverture en décembre et mai derniers, 75 % des places étaient occupées par des résidants d’un CHSLD qui devait être rénové, affirme le CIUSSS de la Capitale-Nationale.

De son côté, le CISSS de l’Outaouais compte utiliser la future maison de Maniwaki pour transférer 69 résidants d’un CHSLD « en zone inondable » qui sera fermé.

Des maisons peu occupées

Dans les Laurentides, les maisons de Blainville et de Saint-Canut à Mirabel – qui comptent chacune 72 places – ont un taux d’occupation de 33 %, selon le CISSS de la région. L’établissement de santé précise que chaque installation accueillera « progressivement 24 nouveaux résidants au cours de l’automne 2024 ». En Montérégie, la maison de Saint-Jean-sur-Richelieu est occupée à 38 % de sa capacité, et celle de Châteauguay, à 45 %.

D’autres, prêtes, mais non ouvertes

En Abitibi-Témiscamingue, les maisons de Val-d’Or et de Rouyn-Noranda sont prêtes, mais « aucune date n’est encore confirmée » pour l’accueil des premiers résidants, indique le CISSS régional.

Il faut constituer et former les équipes qui s’occuperont des résidants. « Cette démarche est complexifiée en raison de l’importante pénurie de main-d’œuvre qui affecte plusieurs titres d’emplois, dont le personnel infirmier et les préposés aux bénéficiaires », écrit l’établissement.

Des places créées

L’arrivée des maisons des aînés et maisons alternatives a créé des places d’hébergement dans le réseau. À preuve, les 48 places de la maison de Saint-Martin, dans Chaudière-Appalaches, qui sont entièrement occupées. « Il s’agit toutes de nouvelles places développées qui n’existaient pas avant », écrit le CISSS régional.

À Gatineau, les 72 lits d’hébergement de la maison Parc-de-la-Montagne – occupés à 100 % – représentent un ajout dans la région. Autre exemple : les 48 lits de la maison de Rivière-au-Renard, en Gaspésie, occupés aux trois quarts, indique le CISSS de la région.

Augmenter l’offre à terme

Le cabinet de la ministre responsable des aînés Sonia Bélanger répond que « certains CHSLD vétustes ont été fermés » afin de les rénover ou les reconstruire pour « continuer d’améliorer les conditions de vie des aînés ». « Il est important de comprendre qu’à terme, après les rénovations, ça deviendra des nouvelles places », indique-t-on.

L’expert en soins infirmiers gériatriques Philippe Voyer croit dans le modèle des maisons des aînés. Mais il déplore que Québec ait « mis ses œufs dans un seul panier ».

« Le gouvernement a fermé la porte au reste et c’est une grave erreur », dit le vice-doyen aux études de 1er cycle et à la formation continue de la faculté des sciences infirmières de l’Université Laval.

Selon lui, tous les types d’hébergement – CHSLD privés conventionnés, ressources intermédiaires (RI), résidences privées pour aînés, etc. – doivent être mis à contribution pour augmenter l’offre. Les récentes RI, qui gardent les gens « avec une certaine lourdeur », sont « capables d’aller beaucoup plus loin ». À condition, dit-il, de mieux les financer.

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