LAURENT MARCOUX, MÉDECIN, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION MÉDICALE CANADIENNE
Paru dans La Presse – 5 novembre 2017
La création de notre système de santé universel remonte à la fin des années 60. Ce système, qui se voulait gratuit et public, a été affublé de nombreuses épithètes au cours des décennies : le meilleur système de santé au monde, le plus accessible, le plus performant, celui offrant le panier de services le plus complets aux Canadiens sans égard à leur capacité de payer, leur race ou leur religion.
Un demi-siècle plus tard, force est d’admettre que ce système de santé qui faisait la fierté du pays a mal vieilli. Les éloges se sont taris et le discours en est maintenant un d’insatisfaction et de critiques négatives à son endroit. Pourquoi ?
Des études comparatives internationales parmi les pays de l’OCDE nous donnent un début de réponse. En effet, ces études nous placent en queue de peloton pour ce qui est de l’accessibilité et de la performance, ne laissant bien souvent que les États-Unis derrière nous. Il n’y a donc rien de surprenant à voir un politicien comme Bernie Sanders, de passage à Toronto, nous vanter les vertus de notre système de santé.
À l’exception de nos voisins du Sud, aucun représentant de pays européens comme la France ou le Royaume-Uni n’est venu annoncer une implantation outremer du modèle canadien de soins de santé, et ce, avec raison. En effet, le plus récent sondage international du Fonds du Commonwealth sur les politiques de santé de 11 pays révèle que le Canada est bon dernier, ou avant-dernier lorsqu’il s’agit d’avoir un rendez-vous médical le jour même ou le lendemain ; lorsqu’il s’agit d’attendre moins d’un mois pour rencontrer un spécialiste ; ou lorsqu’il faut consulter en dehors des heures normales.
En résumé, notre système de santé est beaucoup plus malade qu’il en a l’air et il a l’urgent besoin d’une cure de rajeunissement. Or, cette cure passe par une nouvelle approche de soins… aux aînés.
Je m’explique. De 1993 à 2013, le nombre d’aînés de 85 ans et plus a augmenté de 127 % et il continuera d’augmenter constamment. À l’heure actuelle, la proportion d’aînés atteints d’au moins une maladie chronique est de 80 %. On prévoit que la proportion d’aînés ayant besoin de soins continus de 2011 à 2026 va bondir de 71 %. C’est la nouvelle réalité sociétale à laquelle notre système de santé fait face. Mais, que faisons-nous pour y remédier ? Nous continuons d’envoyer nos aînés à l’hôpital au moindre bobo alors que nous devrions faire tout en notre pouvoir pour les traiter chez eux, dans leur milieu et entourés de leurs proches.
Il faut sortir les soins de l’hôpital pour que nos aînés arrêtent de visiter les services d’urgence chaque fois que leur état se déstabilise. Si nous soignons nos aînés différemment, nous assisterons sans aucun doute au désengorgement du réseau et nous pourrons offrir des soins à toute la population en temps opportun. N’est-ce pas ce que notre système de santé devrait nous offrir ?
Notre système a tout simplement oublié de s’adapter au vieillissement de la population, vieillissement qui était pourtant prévisible.
Les 86 000 médecins que je représente fièrement ont déposé une quinzaine de recommandations au Parlement fédéral pour la mise en place d’une stratégie nationale sur les aînés et il est urgent d’y donner suite. Il faut transformer notre système de santé et envisager des soins de santé pour les personnes âgées en répondant aux besoins d’évaluation et de stabilisation de leur état de santé à leur domicile, sans visite aux urgencs. C’est une question de satisfaction pour les personnes âgées, d’efficacité et d’efficience pour tous.