Denis Lessard – La Presse – 2 mai 2017
Québec — Le gouvernement Couillard piétine dans son projet de réduire les temps d’attente aux urgences. En moyenne, dans l’ensemble du Québec, un patient aura attendu sur sa civière 15,6 heures en 2016-2017, grosso modo le même résultat que l’année précédente.
Avec un mandat électoral qui se termine en octobre 2018, la cible d’une attente moyenne de 12 heures est manifestement hors d’atteinte, soutiennent à l’unisson les critiques à la santé de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Paradis, et du Parti québécois (PQ), Diane Lamarre. Ce matin, le ministre de la Santé Gaétan Barrette fera face aux tirs croisés de ses deux adversaires. L’an passé, M. Barrette avait attribué à ses réformes la réduction record de une heure d’attente par rapport à l’année précédente.
« Les urgences sont un symptôme, la vraie réponse est en amont, sur l’élargissement d’une première ligne, beaucoup moins centrée sur les médecins », a souligné Mme Lamarre.
« du chaos au camouflage »
À partir des données fournies par le gouvernement en prévision de l’étude des crédits à l’Assemblée nationale, le PQ constate qu’il faut autant de temps avant de voir un médecin quand on se présente aux urgences : 2,16 heures, contre 2,18 l’année précédente.
Pour passer « du chaos au camouflage » afin d’améliorer la perception, le ministère de la Santé a créé des « unités de débordement » qui allègent le bilan des urgences – en moyenne, on y plaçait 482 patients en 2015-2016, et il s’en trouvait 511 l’an dernier. À la Cité-de-la-Santé de Laval, on y trouvait 49 civières ; on estime qu’il y a 66 patients en « débordement » qui n’apparaissent pas dans les statistiques, « on camoufle les chiffres », insiste-t-elle.
En 2015-2016, 343 907 patients avaient quitté les urgences avant d’être pris en charge par un médecin ; on en dénombrait 19 213 de plus l’an dernier. « Chaque ouverture de dossier coûte entre 250 et 500 $ », rappelle Mme Lamarre.
Pour les séjours de 24 heures ou plus, on reste à 40,3 %.
« On est les seuls au monde à avoir des statistiques d’attente à l’urgence supérieures à 24 heures. »
— Diane Lamarre, porte-parole du Parti québécois en matière de santé
Au Québec, 44 % des patients aux urgences attendent plus de cinq heures ; au Canada, c’est 29 %, et pour l’ensemble des pays du Commonwealth, c’est 11 % seulement.
De son côté, la CAQ a fait un palmarès des établissements au chapitre des urgences. « On fait du surplace, on est loin des 12 heures promises à nouveau récemment. Il y a des progrès à certains endroits, mais on atteint des délais incroyables dans certains endroits », observe François Paradis, critique de la CAQ pour le secteur de la santé.
Dans 6 régions, et dans 48 urgences sur 119, le temps d’attente a augmenté. Il a baissé dans 7 régions et 71 urgences. Dans deux régions, on fait du surplace.
On constate que depuis un an, l’attente s’est accrue de 12 minutes en moyenne dans les hôpitaux de Montréal – on est à 17,24 heures. À l’Hôpital général juif, à Verdun et à Maisonneuve-Rosemont, l’attente a augmenté respectivement de 90, 84 et 72 minutes. On attendait 72 minutes de plus à l’Hôpital de Montréal pour enfants, et 24 minutes de plus au campus Lachine.
L’Hôpital juif victime de son succès
À la Cité-de-la-Santé de Laval, on attendait 60 minutes de plus l’an dernier, soit 17,36 heures. L’Hôpital général juif avait été cité en exemple par le ministre Barrette – ses 12,2 heures étaient le meilleur score de Montréal il y a deux ans. Il aura toutefois été victime de la publicité : l’augmentation de l’attente moyenne, 90 minutes, est l’une des plus importantes au Québec, avec Charles-Le Moyne à Longueuil, toutefois. Dans Lanaudière, on attend 96 minutes de plus en 2016-2017 que l’année précédente ; on partait toutefois de loin, avec le record de 20,24 heures en 2015-2016. Dans les Laurentides, on attend 49 minutes de moins, mais l’hôpital de Mont-Laurier fait patienter les gens 42 minutes de plus en moyenne.
« Problème de financement ? D’organisation ? D’équipement ? Appuyez sur “chacune de ces réponses” », tranche François Paradis. « Il y a encore beaucoup de 20 heures et plus d’attente, il faut s’occuper de ça en priorité, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas », conclut M. Paradis.