Santé: Québec s’expose aux sanctions d’Ottawa

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Québec s’expose aux sanctions d’Ottawa

Les frais accessoires seront abolis le 26 janvier prochain dans la province

Québec tient tête à Ottawa et refuse de fournir une estimation des frais accessoires facturés aux patients en clinique depuis 2014-2015.

Ottawa a déjà averti Québec que des « déductions équivalentes » aux frais payés par les patients en clinique s’appliqueraient « obligatoirement » au transfert canadien en matière de santé, et ce, même si ces frais seront désormais en majorité interdits à compter du 26 janvier prochain, comme l’a confirmé mercredi le ministre de la Santé et des Services sociaux (MSSS), Gaétan Barrette.

Dans une lettre envoyée le 11 octobre dernier, ce dernier refuse de fournir les chiffres que son homologue Jane Philpott lui avait demandés par lettre le 6 septembre précédent.

« Au sujet des dispositions de la Loi canadienne sur la santé sur la déclaration de toute surfacturation ou de tous frais modérateurs, j’aimerais vous rappeler que c’est envers l’Assemblée nationale et la population du Québec que notre gouvernement est imputable du fonctionnement du système de santé québécois », lui répond M. Barrette.

C’est le MSSS qui a envoyé une copie de la réponse du ministre Barrette au Devoir en réponse à une question.

Quelles conséquences ?

Comment réagira Ottawa, dont les relations avec Québec sont déjà tendues au sujet des transferts en santé ? Le cabinet de la ministre Philpott reste vague. « Nous avons été satisfaits de la décision du Québec de mettre fin aux frais d’utilisation. Nous avons reçu la réponse du Québec à notre demande antérieure et nous continuerons notre conversation avec eux sur cette question », a répondu son attaché de presse, Andrew MacKendrick, aux questions du Devoir.

Du côté de Québec, on dit « [continuer] nos démarches afin d’obtenir des transferts appropriés », indique l’attachée de presse de Gaétan Barrette, Julie White.

L’avocat Jean-Pierre Ménard estime que Québec s’expose à des coupes de l’ordre de 150 millions de dollars. « Le ministre se défile de ses responsabilités » en refusant de répondre aux questions du fédéral, juge-t-il. Selon lui, Gaétan Barrette « ne respecte pas la parole du Québec au détriment des patients et au profit d’un petit groupe de médecins ». L’avocat croit que Québec aurait dû entamer des démarches pour recouvrer les sommes perçues auprès des patients par les médecins et les cliniques fautives.

Gaétan Barrette a déjà évoqué publiquement que les frais accessoires pouvaient s’élever à 83 millions par an, mais il n’existe pas d’évaluation indépendante officielle de ces frais.

Me Ménard a retiré sa poursuite judiciaire contre le gouvernement fédéral, qui visait à obliger Ottawa à faire respecter la Loi canadienne sur la santé par le Québec, après qu’Ottawa eut agi dans ce dossier.

Interdiction en vigueur le 26 janvier

Annoncée le 14 septembre, c’est finalement le 26 janvier que l’interdiction de facturer des frais aux patients pour des soins de santé assurés en clinique entrera en vigueur.

Les frais seront abolis, mais les services, eux, seront-ils toujours disponibles pour les patients ? Aucune entente n’est signée avec les médecins.

« Qui va payer les équipements ? Il n’y a rien de prévu », a affirmé la présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), la Dre Diane Francoeur, lors d’une conférence téléphonique avec les journalistes. « Le ministre nous met au pied du mur et espère qu’on va plier les genoux. Ça n’arrivera pas », a-t-elle averti.

Les spécialistes se disent prêts à absorber les coûts des petites interventions, mais pas des « équipements lourds », comme ceux utilisés en physiatrie ou en gastro-entérologie. Ces services disparaîtront-ils des cliniques ? « Aucun médecin n’est obligé d’avoir un cabinet, répond la Dre Francoeur. Qu’on ouvre des plateaux techniques au public et nous allons travailler. »

Craintes pour l’accès

Bien qu’il se réjouisse de l’abolition des frais accessoires, Paul Brunet craint les effets collatéraux pour les patients. « Le ministre autant que les médecins font partie du problème et de la solution. Ils sont condamnés à réussir, affirme le p.-d.g. du Conseil pour la protection des malades. Ce sera une faillite monumentale si les patients se retrouvent à l’urgence parce que cette guerre-là n’est pas réglée. »

L’avocat Cory Verbauwhede, qui pilote une action collective contre les cliniques et le gouvernement dans le dossier des frais accessoires abusifs, déplore que plutôt que d’abolir ces frais, Québec en autorise deux, soit le transport d’échantillons biologiques et de sang. La loi est « fragile », selon lui : « un règlement peut venir ajouter d’autres frais », rappelle-t-il.

La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) affirme qu’elle financera la vasectomie en cabinet à même son enveloppe globale, et qu’il ne reste à Québec qu’à entériner le tout. Divers médicaments utilisés par les omnipraticiens en cabinet, comme l’azote liquide ou des anti-inflammatoires injectables, seront fournis aux cliniques par le réseau de la santé. « Il reste de petits points à régler », indique le directeur des communications de la FMOQ, Jean-Pierre Dion, qui croit que, majoritairement, les patients auront encore accès aux services en cabinet offerts par les médecins de famille.

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