Devant la multiplication des cas de personnes vulnérables qui perdent des services à domicile sans explications, l’avocat Jean-Pierre Ménard et le député Amir Khadir demandent l’intervention de la Protectrice du citoyen.
LA PRESSE
« Le gouvernement asphyxie la capacité du réseau de la santé à donner des soins », a affirmé M. Khadir dans une conférence de presse à Montréal, où une demi-douzaine de personnes se déplaçant en fauteuil roulant ont témoigné de leur situation.
Danielle St-Louis, 59 ans, souffre d’arthrite rhumatoïde depuis l’âge de 11 ans. Elle a vu le nombre d’heures de services à domicile auquel elle a droit passer de 48 à 22 aux deux semaines.
Elle dit qu’elle en est réduite à choisir entre se nourrir et se vêtir. « Je préfère manger plutôt que d’avoir de l’aide pour m’habiller, a-t-elle affirmé. Je m’excuse de me présenter à vous en jaquette. »
La frêle dame se déplace en fauteuil motorisé, et ses bras sont atrophiés par la maladie. « Je ne mangeais carrément plus, j’ai perdu 13 livres depuis novembre dernier », a-t-elle déclaré. « L’aide qu’on m’enlève, c’est comme me couper les bras et les jambes, littéralement, dit-elle. Je dis à M. Barrette [le ministre de la Santé] : il me faut l’aide médicale à mourir, il m’a enlevé la vie. » Elle dit tenir à la vie depuis qu’elle est devenue grand-mère récemment.
Une déclaration qui a tiré des larmes à Dominique Marsan, elle aussi en fauteuil roulant. « Les gens sont en détresse, ils pleurent », a-t-elle dit en parlant de personnes proches qui vivent la même situation.
Des cas comme celui de Mme St-Louis, il y en a de plus en plus, affirme Me Jean-Pierre Ménard, avocat bien connu des causes médicales. « C’est beaucoup plus fréquent depuis deux ans, dit-il. On coupe vraiment dans les services essentiels : épicerie, repas. »
Cette baisse de l’offre de service ne paraît pas dans les statistiques parce qu’« on comptabilise les services différemment », dit-il.
Amir Khadir, député de Mercier et co-porte-parole de Québec solidaire, souligne que le nombre de bénéficiaires de soins à domicile a diminué depuis 2012, passant de 51 036 personnes à 48 159 pour la région de Montréal. Une baisse de 5,6 %.
Les données proviennent de documents obtenus en vertu de la Loi sur l’accès à l’information par l’Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic (AQRP).
Pour l’ensemble du Québec, le nombre de prestataires a atteint un sommet en 2012-2013, avec près de 195 000, alors qu’il n’y en avait plus que 176 250 en 2015-2016. Une chute de 9,7 %.
Un chiffre qui colle peut-être à la réalité bureaucratique, mais pas à la réalité sociale et médicale, affirme M. Khadir. « M. Barrette sait très bien qu’une telle chose est impossible, dû au vieillissement de la population, dit-il. En fait, le nombre d’usagers diminue parce qu’il y a de plus en plus de critères d’exclusion. »
Joint par téléphone, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, affirme que les budgets alloués aux services à domicile augmentent d’année en année.
« Je peux le démontrer, chiffres à l’appui, a-t-il assuré. C’est dans les crédits budgétaires. Mais il y a des gens qui peuvent voir leur offre de service changer en fonction des besoins. »
La plainte à la Protectrice du citoyen sera envoyée aujourd’hui. En 2012, un rapport précédent de la même institution avait déjà constaté des difficultés dans l’accès aux soins à domicile.