Amélie Daoust-Boisvert – Le Devoir – 14 juin 2017
Les établissements de santé de Montréal et de Laval reportent à l’automne la possibilité de conclure un important contrat avec le privé pour des services à domicile. Un syndicat pourrait toutefois faire obstruction à la relance du processus d’appel d’offres.
Ils demandaient environ 1,5 million d’heures de services, ce qui aurait nécessité plus de 800 auxiliaires de santé et de services sociaux du privé. Mais les CISSS et CIUSSS de Laval et Montréal ont retiré cette demande de l’appel d’offres, dont le concours se terminait hier, mardi.
Sigma Santé, qui est responsable du processus, affirme que le volet impliquant les auxiliaires est reporté le temps de clarifier les exigences envers les fournisseurs.
Sans annuler complètement le processus, un addenda qui a été déposé sur le système électronique d’appel d’offres du gouvernement (SEAO) le 6 juin modifie le nombre d’heures sollicitées de près de 1,5 million à… 12 000.
Le directeur général de Sigma Santé, François Lemoyne, affirme que cette révision majeure n’a aucun lien avec la médiatisation du dossier. Il affirme que lors d’une rencontre d’information, le 16 mai, des fournisseurs se sont inquiétés qu’une clause puisse limiter la concurrence.
Le devis exige des fournisseurs qu’ils intègrent leur plateforme informatique à celle des établissements de santé. « Des fournisseurs disent “Nous n’avons pas ce système et nous sommes désavantagés”, explique M. Lemoyne. Il a été décidé de suspendre le temps de clarifier cet aspect. »
Selon lui, un nouvel appel d’offres devrait être lancé à l’automne.
Il n’y a eu « aucune intervention politique » dans ce dossier, assure-t-il.
Ni le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) ni les établissements n’ont souhaité commenter, renvoyant Le Devoir à Sigma Santé. « Le MSSS n’est pas intervenu concernant cet appel d’offres, pour lequel Sigma Santé est responsable », a fait savoir la responsable des communications Marie-Claude Lacasse.
Grief possible de la part d’un syndicat
Les établissements pourront-ils relancer le processus sans obstruction à l’automne ? C’est incertain alors que la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN) évalue si elle déposera un grief pour l’empêcher.
Le syndicat est fort d’une décision récente dans un dossier semblable. Il vient d’obtenir la suspension d’un appel d’offres pour 99 places en CHSLD privé.
Le 7 juin, l’arbitre François Hamelin a ordonné au CISSS des Laurentides de surseoir à l’adjudication d’un contrat pour la construction et l’exploitation d’un CHSLD privé sur une période de 20 ans à Rosemère. Selon l’arbitre Hamelin, la décision de solliciter le privé, qui est survenue sans consulter le syndicat au préalable, contrevient à la convention collective.
Lors des dernières négociations, les employés du réseau de la santé ont obtenu une clause, l’article 3.10 qui, avec l’article 29 déjà existant, stipule qu’avant de conclure un contrat avec le privé, un établissement de santé doit consulter le syndicat. Ce dernier doit pouvoir proposer une solution de rechange ou des modifications. « Sur un sujet aussi délicat et important que l’avenir des soins, une consultation préalable avec le syndicat est de nature à alimenter une discussion de fond sur les problèmes de main-d’oeuvre et à trouver des solutions viables pour l’employeur, le syndicat et surtout les personnes âgées à qui les soins sont destinés », écrit l’arbitre Hamelin dans sa décision.
« On ne se cachera pas que cette décision ouvre la voie pour des recours dans d’autres dossiers, dont celui des soins à domicile », dit le vice-président de la FSSS, Guy Laurion. Selon lui, c’est la première fois qu’un arbitre se prononce, dans le cadre d’un grief, à la fois sur les articles 3.10 et 29.
Le CISSS des Laurentides évalue la possibilité de faire appel de cette décision. L’établissement s’étonne que le syndicat ne se soit pas opposé à l’octroi d’un contrat pour un CHSLD à Saint-Jérôme, un « projet presque identique », souligne la responsable de communications Myriam Sabourin. Les démarches de la CSN causent un retard dans la construction du CHSLD de Rosemère, déplore-t-elle, ajoutant que « ce sera malheureusement la population qui nécessite ces services qui en subira les conséquences ».