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Solitude et isolement, les effets secondaires de l’inflation chez les aînés 

Azim Jeraj a annulé son abonnement au centre d’entraînement physique plus tôt cette année.

Le résidant de 69 ans de Sherwood Park, en Alberta, souligne qu’il ne pouvait plus justifier les frais mensuels face à la hausse du coût de l’épicerie, des services publics et des médicaments sur ordonnance.

AMANDA STEPHENSON, LE SOLEIL

«J’ai plutôt rejoint un groupe de cyclistes seniors. Je fais du vélo avec eux deux fois par semaine, et cela ne coûte rien, témoigne M. Jeraj. Vous trouvez des choses comme ça à faire. Vous cherchez constamment des choses qui ne coûtent pas très cher.»

Comme tous les autres groupes démographiques d’âge en ce moment, les aînés canadiens sont obligés de faire des choix difficiles, en supprimant les fioritures et les petits plus face à des taux d’inflation élevés depuis près de 40 ans.

Cependant, les personnes âgées sont également confrontées à un défi unique, dont on parle moins : l’isolement social accru qui, selon les experts, se produit souvent en raison d’une inflation élevée.

Selon Statistique Canada, 27,9 % des aînés canadiens en 2017-2018 vivaient seuls, comparativement à 14,0 % de la population générale.

Les médecins savent que le maintien de relations et d’une activité sociale joue un rôle important dans la santé mentale et physique de ce groupe d’âge. L’isolement social chez les personnes âgées a été lié à une détresse émotionnelle accrue, à la prévalence de la dépression, à l’augmentation des chutes, à l’utilisation des services de santé et de soutien et même à des décès prématurés.

Se déplacer coûte de l’argent, même s’il s’agit simplement de rencontrer des amis autour d’un café, de se rendre en voiture à un service religieux ou de prendre le bus pour se rendre à un cours d’entraînement physique.

«Les gens ne pensent pas que l’isolement social est lié à des coûts inflationnistes. Nous pensons immédiatement que les gens ne pourront pas acheter de la nourriture, se loger, prendre leurs médicaments, précise Laura Tamblyn Watts, présidente-directrice générale de CanAge, un organisme national de défense des aînés. Mais vous devez être connecté d’une manière ou d’une autre, et il y a des coûts de connexion.»

De nombreux aînés canadiens vivent de pensions fixes ou dépendent de prestations gouvernementales telles que le Régime de pensions du Canada, qui, avec son ajustement annuel en janvier pour tenir compte de l’inflation, n’a pas rattrapé les récentes augmentations vertigineuses du coût de la vie.

Les personnes âgées s’inquiètent également pour leurs portefeuilles d’investissement, car l’inflation pèse sur le marché boursier. Pour celles qui ont misé sur la valeur nette de leur maison pour soutenir leur retraite, la hausse des taux d’intérêt et son effet sur le marché du logement sont une réelle préoccupation.

«Beaucoup d’aînés que nous voyons sont dans cette crise – leurs investissements ou leur pension n’ont pas augmenté, leurs prestations gouvernementales pourraient éventuellement augmenter, mais en ce moment, ils attendent dans les limbes, et les prix de tout ont augmenté», souligne Larry Mathieson, directeur général du Kerby Centre, un organisme sans but lucratif qui offre des programmes et des services aux personnes âgées de Calgary et de Medicine Hat. «C’est un énorme problème.»

Pour Dorothy Bagan, qui vit seule dans la maison dont elle est propriétaire à Calgary, la crise se fait déjà sentir. Elle a annulé son téléphone cellulaire et réduit la télévision par câble, et s’en tient à une liste soigneusement organisée lors de son épicerie.

Elle ne possède pas non plus de voiture et bien qu’elle soit une fervente utilisatrice des transports en commun et bénévole dans la communauté, sa vie sociale s’est rétrécie.

«Mon cercle d’amis s’est réduit, pour une raison évidente. J’ai 74 ans, rapporte Mme Bagan. Et les deux amis proches que j’ai, eh bien, seul l’un des deux conduit encore, donc se voir a été un défi.»


« Mon cercle d’amis s’est réduit, pour une raison évidente. J’ai 74 ans, et les deux amis proches que j’ai, eh bien, seul l’un des deux conduit encore, donc se voir a été un défi. »

— Dorothy Bagan

En fait, Mme Bagan indique qu’elle avait récemment pris la décision de retourner travailler à temps partiel – non pas à cause de l’argent, même si c’est un avantage supplémentaire, mais parce qu’elle doit sortir de la maison.

«J’aime m’engager et interagir avec les gens? J’aime être dehors et faire partie des choses, dit-elle. Je suis toujours utile. Ce n’est pas parce que je suis une personne âgée que je n’ai rien à apporter.»

L’isolement social fait partie de «l’effet descendant de l’inflation», selon Mme Tamblyn Watts. Si les aînés n’ont pas les moyens d’accéder à internet, ils ne peuvent pas se connecter avec leur famille via Zoom ou FaceTime. S’ils n’ont pas les moyens d’acheter des prothèses auditives ou des lunettes, ils ont moins de capacité à interagir avec le monde. Et si les jeunes générations sont occupées à faire des heures supplémentaires au travail pour faire face à l’augmentation de leur coût de la vie, elles sont moins susceptibles de pouvoir surveiller leur mère et leur père ou de prendre le temps de rendre visite à un grand-parent dans une maison de retraite.

«Il y aura davantage de personnes vivant seules à la maison, sans soutien et solitaires», ajoute Mme Tamblyn Watts.

Pour sa part, M. Jeraj s’estime chanceux. Il est marié, il conduit toujours, et lui et sa femme ont fait un effort conscient pour rester actifs et connectés grâce à des activités peu coûteuses comme faire de longues promenades et recevoir des amis à la maison.

Il sait cependant que beaucoup de ses pairs n’ont pas cette chance.

«J’ai des parents qui vivent seuls, et le coût pour eux est un gros problème. Même la mobilité, car ils ne peuvent pas conduire à cause de leur âge et de leur état de santé», déplore M. Jeraj.

«L’isolement social est une très grande chose. Cela les affecte mentalement», conclut-il.

Source: Le Soleil

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