Ariane Krol – La Presse – 22 avril 2017
Malgré l’enthousiasme avec lequel la ministre fédérale Jane Philpott a annoncé ses ententes de financement en santé, le Québec et le reste du Canada y perdent au change, confirment de nouvelles études publiées cette semaine. Le gouvernement Trudeau a beau avoir conclu un accord pour 10 ans, il risque d’être rattrapé au détour.
« Les provinces et territoires canadiens vont devoir assumer une part disproportionnée des coûts de santé de leurs populations, freinant leur capacité à offrir les services dont leurs citoyens ont besoin », souligne l’Institut des finances publiques et de la démocratie (IFPD).
Le groupe de réflexion de Kevin Page, l’ex-directeur parlementaire du budget, amène donc de l’eau au moulin du Québec, qui dénonce depuis des années l’insuffisance du fameux transfert canadien en matière de santé (TCS). Même si les projections diffèrent quelque peu, les conclusions sont les mêmes : la hausse du financement accordée par le fédéral n’est pas à la hauteur de l’augmentation des coûts auxquels le Québec devra faire face.
Malgré les efforts importants consentis par les provinces pour freiner leurs coûts en santé (Québec est d’ailleurs celle qui dépense le moins par habitant), la pression est plus forte que ne le reconnaît Ottawa dans ses calculs.
Les versements totaux (le TCS et les enveloppes pour les soins à domicile et la santé mentale) progresseront de 3,6 % par an en moyenne – soit bien en deçà des 5,2 % requis par le Conseil de la fédération. Un manque à gagner de 33,5 milliards pour l’ensemble des provinces sur la durée de l’entente, estime l’Institut.
C’est à se demander si le fédéral consulte les chiffres de ses propres agences ! Plusieurs provinces, en particulier le Québec et les provinces atlantiques, seront bientôt frappées par le vieillissement accéléré de leurs populations, indiquent les projections de Statistique Canada. Et les coûts de santé annuels moyens d’un citoyen de plus de 65 ans sont presque cinq fois plus élevés que ceux d’une personne de moins de 65 ans, montrent les données de l’Institut canadien d’information sur la santé. On s’attend aussi à ce que ce vieillissement affecte la croissance et, par conséquent, les revenus de ces provinces.
Bref, pour l’effet transformateur promis par Ottawa au début des négociations, on repassera.
Transformer les façons de faire nécessite des investissements – c’est-à-dire plus, et non moins, d’argent, au moins durant la transition. C’est malheureux, car le besoin est criant. Les soins sont loin d’être fournis de la façon la plus efficace possible, et ce gaspillage va devenir de plus en plus intenable avec le vieillissement de la population.
De toute évidence, le gouvernement Trudeau avait hâte de rayer cette tâche de sa liste, mais son accord de 10 ans va bien au-delà des élections fédérales de 2019. Les provinces, qui l’ont accepté par dépit, tenteront certainement d’en faire un enjeu de la prochaine campagne.