Transferts en santé Il n’y a pas eu de photo

Paul Journet – La Presse+ – 13 mars 2017

Le gouvernement Couillard a négocié l’entente Ottawa-Québec sur les transferts en santé un fusil sur la tempe. Dans ce contexte, il est difficile de voir comment il aurait pu obtenir mieux.

Il n’y a pas eu de photo de famille pour signer l’entente Ottawa-Québec sur les transferts en santé, car il n’y avait pas grand-chose à célébrer.

Pour déterminer la somme qu’il verse aux provinces, le fédéral a deux choix : imposer sa décision ou négocier, s’il se sent généreux.

Avant même le début des négociations, les provinces ont déjà un genou par terre. Le gouvernement Trudeau en a profité. Son offre de départ : verser moins d’argent aux provinces, et leur imposer en même temps là où une partie de l’enveloppe doit être dépensée (soins à domicile et santé mentale).

Québec avait donc en main des cartes perdantes. Son seul rapport de forces se trouvait dans le front commun des provinces, mais comme souvent, il a été éphémère. Ottawa les a divisées pour mieux régner, puis a mené une guerre d’usure avec celles qui résistaient.

Le fédéral venait d’annoncer que son budget serait déposé le 22 mars, avec la menace d’une décision imposée. Le gouvernement Couillard avait le fusil sur la tempe. Dans ce contexte, il est difficile de voir comment il aurait pu obtenir mieux.

Le gouvernement Trudeau voulait s’ingérer dans les compétences provinciales en santé, en imposant plus de dépenses dans les priorités de son choix. Québec a fait du judo pour contrecarrer cette attaque.

Il a demandé d’élargir d’un même montant le fédéralisme asymétrique. Et il a demandé de pouvoir le faire hors de ses compétences constitutionnelles exclusives. Dans son prochain budget, le fédéral doit investir dans les infrastructures sociales, comme les réseaux de garderies. Or, le Québec a déjà développé ce réseau. Selon l’entente, il pourra néanmoins obtenir une partie de cette enveloppe pancanadienne et la réaffecter à d’autres sommes – comme des soins de santé. À cela s’ajoute un versement en éducation postsecondaire.

Grâce à l’imagination de Québec, le pire a été évité.

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Stephen Harper voulait réduire la hausse annuelle des transferts, de 6 à 3 % (ou à la hausse du PIB nominal si elle dépasse 3 %). En campagne électorale, Justin Trudeau a promis de renégocier cette entente imposée par les conservateurs aux provinces.

Après son élection, le gouvernement Trudeau a vite affiché ses couleurs. D’un côté, il disait ne pas vouloir verser trop d’argent aux provinces, pour ne pas encourager le gaspillage dans leurs systèmes de santé inefficaces. De l’autre, il prétendait – à tort – que l’argent versé par Ottawa n’allait pas entièrement en santé. Bref, les provinces dépensaient à la fois trop et pas assez.

M. Trudeau a donc proposé de s’en tenir à une hausse annuelle d’environ 3 %. En contrepartie, il offrait des enveloppes consacrées à la santé mentale et les soins à domicile. La logique était tordue.

À cause du vieillissement de la population, les finances des provinces deviennent de plus en plus fragiles par rapport à celles du fédéral. Selon des projections de l’Institut du Québec, même avec des réformes ambitieuses, la hausse annuelle des dépenses en santé resterait d’environ 4,5 %. Or, M. Trudeau offrait moins d’argent… tout en promettant plus de services.

Les provinces sont montées aux barricades, mais le fédéral les a habilement divisées en négociant des ententes bilatérales. Avant l’annonce de vendredi, seulement quatre provinces n’avaient pas signé (Québec, Ontario, Manitoba et Alberta).

Quand on compare leurs ententes, on constate que Québec a obtenu plus de flexibilité. L’Ontario et l’Alberta ont accordé au fédéral un droit de regard sur les dépenses – y compris des « indicateurs de rendement » et autres « mécanismes » de suivi.

Il faudra attendre le budget fédéral la semaine prochaine pour savoir exactement combien le Québec obtiendra avec ses ententes. La hausse sera plus que celle proposée par M. Harper. Peut-être qu’elle équivaudra à la hausse annuelle de 4 % nécessaire pour protéger les soins.

Ce serait alors un soulagement. Mais cela mériterait plus un soupir exaspéré qu’un cri de victoire. Car se rendre au fil d’arrivée n’aurait pas dû être si pénible.

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