Le gouvernement du Québec se dirige vers un trou budgétaire de 1,7 milliard de dollars dans deux ans. Voici pourquoi, paradoxalement, il ne faut pas trop s’en inquiéter.
D’abord, la découverte. Lors de sa récente présentation budgétaire, le ministère des Finances a publié une série de fascicules, dont l’un porte sur la reddition de comptes. Or, ô surprise, l’une des dernières pages du document nous informe que le gouvernement aura un trou budgétaire de 505 millions l’an prochain et de 1,7 milliard dans deux ans.
Le Ministère appelle pudiquement ce trou « un écart à résorber aux dépenses de programmes », ce qui signifie que le gouvernement fera face à un manque à gagner si rien n’est fait ou, dit autrement, à un possible retour du déficit.
Plus précisément, ce trou est l’écart entre le coût de reconduction des programmes (santé, éducation, etc.) et les dépenses annoncées au budget. En termes simples, le coût de reconduction est la progression naturelle des dépenses en fonction de la croissance de la masse salariale, de la hausse de la clientèle, de l’inflation et des nouvelles annonces faites par les politiciens.
Bref, si les gestionnaires de l’État restent les bras croisés, on se dirige tout droit vers un surcroît de dépenses dans deux ans, de l’ordre de 1,7 milliard.
Maintenant, deux raisons expliquent qu’il ne faut pas s’alarmer devant ce trou.
Premièrement, ce genre d’écart à résorber est beaucoup moins important que ceux des années passées.
Au printemps 2014, lorsque les libéraux ont pris le pouvoir, un comité dirigé par les économistes Luc Godbout et Claude Montmarquette avait découvert un trou de 3,2 milliards.
Pis, l’écart n’était pas constaté pour l’année suivante ou l’année subséquente, mais pour l’année courante. Tant et si bien que si rien n’était fait, le Québec se dirigeait alors vers un déficit non pas de 1,75 milliard, tel qu’annoncé au budget péquiste de Nicolas Marceau, mais de 5 milliards (1) !
Cet énorme trou budgétaire avait surpris les observateurs, moi le premier. Quoi, le déficit annoncé n’est pas le vrai déficit ? Que veulent donc dire les chiffres du budget, alors ?
Fort de ce constat, le Vérificateur général a fait enquête, confirmé les chiffres et demandé que le ministère des Finances publie chaque année ces « écarts à résorber ». C’est ce qui explique, aujourd’hui, la découverte que j’ai faite dans le fascicule sur la reddition de comptes publié au dernier budget.
Désormais, le genre de trouvaille du rapport Godbout-Montmarquette ne devrait plus être possible, puisque que le ministère des Finances est maintenant tenu de publier un rapport préélectoral, validé par le Vérificateur général.
Dans les deux budgets présentés au printemps de 2015 et de 2016, il n’y avait aucun trou budgétaire pour l’année courante (comparativement à un trou de 3,2 milliards en 2014).
En revanche, il y avait des « écarts à résorber » pour l’année qui suivait, de l’ordre de 850 à 900 millions. Ces trous se comparent à celui de 505 millions identifié cette année pour l’année prochaine.
Les trous de 505 millions l’an prochain et de 1,7 milliard dans deux ans sont donc relativement modestes comparativement à ceux des dernières années.
Deuxième raison de rester zen par rapport au trou de 1,7 milliard : le gouvernement s’est concocté divers coussins financiers dans son budget. Plus précisément, quatre coussins figurent au budget pour parer aux imprévus.
En plus de la provision pour éventualités (100 millions) pour 2018-2019, le budget comprend une marge budgétaire aux dépenses (250 millions), un fonds de suppléance (536 millions) et une provision au service de la dette (150 millions).
Bref, ces quatre coussins totalisent plus de 1 milliard l’an prochain, soit davantage que l’écart de 505 millions à résorber. Dans deux ans, ces coussins totalisent 1,4 milliard, un peu moins que le trou de 1,7 milliard.
Dit autrement, la situation apparaît gérable, et les cibles de dépenses pour atteindre le déficit zéro devraient être atteintes, notamment grâce à des gains d’efficacité de l’appareil d’État. Évidemment, personne ne peut prédire un choc économique important qui bouleverserait les équilibres financiers, mais à défaut d’un tel choc, le cadre financier du Québec tient la route.
Il reste à espérer qu’un éventuel nouveau gouvernement ne trouverait pas d’autres squelettes dans le placard en prenant le pouvoir…
(1) Le budget de mars 2014 avait déterminé diverses compressions de 1,8 milliard pour amoindrir ce trou de 3,2 milliards, mais aucune décision politique n’avait été prise. De plus, le gouvernement péquiste s’était gardé d’en parler à la population avant les élections.