Une résidence de Laval accusée de maltraitance envers un aîné; enquête de Santé Québec

Source: Radio-Canada

Hygiène négligée, médicaments non administrés, menaces : une proche aidante dénonce la maltraitance dont son père a fait l’objet au centre d’hébergement Le Dufresne à Laval. Le CISSS dit accompagner le propriétaire « de manière intensive », en attendant les conclusions d’une enquête de Santé Québec.

Lorsqu’elle a déménagé son père dans son nouveau milieu de vie en décembre 2024, Johanne Drapeau s’attendait à ce qu’il reçoive les soins appropriés.

Aux prises avec des problèmes de santé et en perte d’autonomie, Fernand Drapeau 93 ans ne pouvait pas retourner à la résidence pour aînés (RPA) où il habitait à la suite d’un séjour à l’hôpital.

Ça n’a pas pris beaucoup de temps pour que je décèle qu’il y avait des sérieux problèmes là, explique-t-elle en compagnie de son père.Elle répond aux questions dans un local.

Par son témoignage, Johanne Drapeau veut améliorer la qualité des soins dans les milieux d’hébergement pour aînés.

Photo : Radio-Canada

Infirmière retraitée, elle constate au fil de ses visites à la ressource intermédiaire (RI) Le Dufresne à Laval une série de lacunes qu’elle documente, photos à l’appui.

J’ai déjà vu mon père avec le même linge pendant quatre jours d’affilée, affirme-t-elle. Un jour, j’ai même réalisé que ça faisait quatre semaines qu’il avait les mêmes bas dans les pieds.

Le lavage à la débarbouillette plutôt qu’une douche revient souvent dans le dossier préparé par Mme Drapeau. Elle relève également des lacunes quant à la prévention des chutes pour son père tout comme des problèmes de propreté dans sa chambre.Il y a des traces sur le plancher.

Le fauteuil de la chambre de M. Drapeau était taché de vomissure lors d’une visite de sa fille en mars.

Photo : Radio-Canada / Johanne Drapeau

Au fil des semaines, elle confronte aussi la direction sur un médicament utilisé pour traiter la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) que son père n’aurait pas toujours reçu.

J’ai appelé la pharmacie parce que je suis mandataire et on m’a informé que le Spiriva n’avait pas été renouvelé depuis à peu près de deux mois.

Lors de notre rencontre, Fernand Drapeau raconte, d’un débit lent, avoir reçu des menaces à peine voilées de préposés aux bénéficiaires qui auraient découragé des résidents de sonner la nuit.

On n’était pas supposé appeler la nuit, sinon tu vas t’en aller à l’hôpital, se rappelle M. Drapeau. Il y en a qui sonnaient pareil.

Autour de 112 aînés sont hébergés à la RI Le Dufresne.Il joint ses mains.

Fernand Drapeau habitait jusqu’en 2024 dans une résidence privée pour aînée (RPA). Sa perte d’autonomie nécessite des soins.

Photo : Radio-Canada

Maltraitance, conclut la commissaire aux plaintes

Après quelques mois, Johanne Drapeau décide de porter plainte officiellement.

Rien n’avançait, je ne savais plus quoi faire […]. Je viens les larmes aux yeux juste à en parler. Je ne pouvais pas le laisser dans une situation comme ça, ça n’avait pas de bon sens, explique-t-elle.

Fin avril, la commissaire adjointe aux plaintes du CISSS de Laval arrive à des conclusions sans équivoque.

Je suis en mesure de confirmer que votre père a fait l’objet de maltraitance de soins de santé physique et que cette situation a des impacts sur son sentiment de sécurité, sa santé physique et sa dignité.Une citation deExtrait du rapport de la commissaire adjointe aux plaintes

La commissaire indique avoir déclenché un examen systémique de la RI et avoir émis plusieurs recommandations.Elle est debout.

Viviane Thiffault, directrice par intérim au CISSS de Laval, se rend chaque semaine à la RI Le Dufresne pour rassurer les familles.

Photo : Radio-Canada

Une inspectrice de Santé Québec mène l’enquête

Au CISSS de Laval, on affirme avoir déployé des moyens importants pour corriger la situation.

On a un accompagnement intensif et nos équipes de soins infirmiers et de services professionnels seront présentes tant et aussi longtemps que ce sera requis, dit Viviane Thiffault, directrice par intérim, Soutien à l’autonomie des personnes âgées – volet hébergement.

Nous avons fait des audits de certaines pratiques cliniques et nous avons collaboré à de la formation aussi pour épauler la ressource, poursuit-elle.

La directrice au CISSS indique qu’une équipe est à réévaluer le niveau de lourdeur de chacun des 112 résidents au Dufresne à la demande de l’inspectrice nationale de Santé Québec.

À Santé Québec, on note que la conclusion de l’enquête sur la RI Le Dufresne est prévue mi-octobre. Il s’agira d’un des premiers mandats de l’inspectrice nationale nommée au mois de mai dernier.

Nous considérons toutes recommandations comme une occasion de renforcer nos pratiques et de poursuivre l’amélioration continue de nos services, au bénéfice des résidents, a répondu par courriel une porte-parole de la RI Le Dufresne. Comme dans toute démarche de ce type, les recommandations permettront d’identifier les points à renforcer.

Selon nos informations, du personnel a été congédié.

La RI est une filiale du réseau MAclinique détenu par un groupe de médecins. Le réseau regroupe notamment des cliniques médicales et des blocs opératoires.Il est dans un fauteuil roulant et sa fille le pousse dans une rue.

Depuis la mi-juin, M. Drapeau habite dans un autre milieu de vie dont il se dit satisfait.

Photo : Radio-Canada

Les syndicats dénoncent la situation

Au syndicat des infirmières de Laval, le président Déreck Cyr constate qu’il y a eu une réelle prise en charge par le CISSS de Laval après plusieurs dénonciations des membres du SIIIAL-CSQ et de ceux de l’APTS.

Selon lui, il s’agit d’un exemple direct que la privatisation des soins diminue la standardisation et la qualité des soins octroyés à la population du Québec.

Depuis la mi-juin, M. Drapeau habite dans un autre milieu de vie dont il se dit satisfait.

Revoir les évaluations

Au Québec, on compte quelques centaines de RI qui hébergent autour de 12 000 personnes âgées en perte d’autonomie, ne pouvant plus rester à domicile, mais qui n’ont pas besoin d’un encadrement aussi soutenu que celui offert par les CHSLD.

Pour l’Association des ressources intermédiaires du Québec (ARIHQ), la présence de résidents qui devraient se retrouver en CHSLD a un impact sur les soins.

Dans nos RI, on a 450 personnes qui attendent une place en CHSLD, des cas trop lourds qui font en sorte que le personnel a moins de temps pour les autres résidents, avance la directrice générale Manon Charpentier.

Cette dernière espère que les négociations avec le gouvernement pour le renouvellement de l’entente nationale permettront de revoir le modèle de financement, dont l’instrument de classification [des résidents], mais aussi le volet immobilier afin de permettre le développement.

Environ 3300 personnes attendent pour une place en Ressource intermédiaire pour personnes âgées.

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