La promesse électorale de la Coalition avenir Québec (CAQ) de construire « des mini-hôpitaux privés » au Québec fait énormément réagir dans le milieu de la santé. Même si peu de détails semblent avoir filtré sur les deux projets dans l’est de Montréal et à Québec, des médecins accueillent généralement bien l’idée sous certaines conditions. Les syndicats, eux, se demandent où le privé ira chercher les employés.
PIERRE-ALEXANDRE BOLDUC, RADIO-CANADA
Au cinquième étage de la clinique privée Opéra MD dans le quartier Lebourgneuf à Québec, les équipes du Dr Daniel Lapointe roulent à plein régime. Avec ses ressources, le propriétaire raconte qu’il est en mesure d’opérer 30 % plus de patients qu’au public.
Je pense qu’inévitablement, le système de santé s’en va vers une mixité entre le privé et le public
, lance Daniel Lapointe.
Environ 80 % des opérations effectuées dans sa clinique sont dédiées à des patients qui n’ont pas à payer un sou de leur poche. Les gens sont détournés chez Opéra MD, au lieu d’aller se faire opérer dans les hôpitaux publics surchargés avec des listes d’attente sans fin.
Le Dr Lapointe ne s’en cache pas, la promesse de la CAQ d’impliquer davantage le privé dans le système de santé l’enchante. Il évalue même participer à la construction du futur mini-hôpital privé de Québec.
« Ça va nous intéresser de s’impliquer dans un projet comme ça. »— Une citation de Dr Daniel Lapointe, anesthésiologiste et propriétaire Opéra MD
Je ne pense pas qu’on va manquer d’intéressés. C’est sûr que ça va être des projets très coûteux qui vont demander des investissements importants
, explique le médecin.
Selon la CAQ, un appel de projets doit être lancé auprès des partenaires privés. Les mini-hôpitaux devraient ouvrir en 2025.
Les mini-hôpitaux privés de la CAQ, c’est quoi?
- Les établissements auront :
- Un Groupe de médecine familiale ouvert 7 jours sur 7, de 8 h à 20 h
- Urgence ouverte 24/24 h pour traiter des cas mineurs
- Salle d’opération pour des chirurgies d’un jour
- Les services seront gratuits et remboursés par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ)
Impensable en pénurie de main-d’œuvre
La présidente du Syndicat interprofessionnel du CHU de Québec, Nancy Hogan, n’est pas séduite par l’idée de la CAQ. Loin de là.
Les promesses ne sont pas toujours tenues, on verra bien
, souffle-t-elle. Malgré que c’est du privé… On sait que notre premier ministre aime ça du privé!
Nancy Hogan se demande bien de quelle façon et à quel endroit les futurs employeurs de ces nouveaux hôpitaux privés vont recruter du personnel. Elle craint même que des professionnels de la santé quittent le public pour le privé si les horaires sont meilleurs.
Ce n’est pas en construisant un hôpital qu’on va dire que, même s’il est au privé, qu’on va pouvoir donner plus de services à la population si on n’a pas de monde
, explique Nancy Hogan.
La chef syndicale souligne que dans les cinq hôpitaux du CHU de Québec, il y a encore énormément d’heures supplémentaires ces jours-ci en raison du manque de personnel. Nancy Hogan souligne que certains quarts de travail dans les urgences de Québec ne sont même pas couverts.
Qu’en pensent les médecins de famille?
Les médecins de famille de la Capitale-Nationale consultés par Radio-Canada sont favorables à un meilleur accès pour les patients.
Le président de l’Association des médecins omnipraticiens de Québec, Dr Pascal Renaud, affirme que toute mesure qui augmentera l’accès aux patients qui n’ont pas de médecin actuellement, on va être en faveur de ça, c’est sûr
.
Le Dr Yves Bolduc qui est médecin de famille et ancien ministre de la Santé libéral se dit foncièrement d’accord d’avoir différents services en association avec le gouvernement
. Sauf qu’il n’est pas convaincu des paramètres proposés par la CAQ pour ses mini-hôpitaux.
Lorsqu’il s’agit d’une urgence 24 heures sur 24 [dans les mini-hôpitaux], on a déjà fermé des urgences au Québec, entre autres à Québec et à Montréal
, lance le Dr Bolduc. Pourquoi ne pas rouvrir ces urgences-là?
L’ancien ministre de la Santé croit plutôt que le gouvernement devrait miser sur une augmentation des groupes de médecine familiale (GMF) partout en province en regroupant les médecins de famille. Selon lui, c’est la meilleure façon d’offrir de meilleurs soins de premières lignes pour désengorger les urgences dans les hôpitaux.
Si le gouvernement veut avoir plus de services, il devrait ouvrir plus de groupes de médecine de famille de 8 h à 20 h le soir, 7 jours sur 7
, explique le Dr Bolduc.