La Presse+ – 14 mars 2017
C’est avec un grand intérêt que j’ai lu l’opinion de Claude Castonguay parue dans La Presse+ du 4 mars dernier et portant sur la réforme actuelle du système de santé, entreprise soutenue et accélérée par le docteur Gaétan Barrette, présent ministre de la Santé et des Services sociaux.
À la suite de cette lecture, ma réflexion a porté sur trois points.
Premièrement, sur l’absence de mémoire collective en ce qui concerne le passé des soins de santé au Québec. Depuis les vastes remaniements entrepris dans ce domaine et auxquels a d’ailleurs participé très activement dès le début Claude Castonguay, jamais, à ma connaissance, l’État québécois n’a-t-il accordé une forme de reconnaissance publique à tous ceux qui, bénévolement, ont participé depuis des siècles au développement progressif des soins de santé en sol québécois et dont a largement bénéficié notre société au fil des ans.
Il s’agit ici de milliers de personnes provenant de toutes les couches de notre société : hommes et femmes de diverses institutions religieuses, professionnels de tous horizons, ouvriers de tous les métiers. Tous ces gens ont travaillé, seuls ou en groupes, pour la mise sur pied et le développement de diverses institutions.
En plus d’apporter des soins, ces personnes ont créé des milliers d’emplois et, très souvent, ont acquis une réputation internationale dans divers domaines d’activité. Les exemples existent par centaines. Puis, vers 1960, c’est avec une très grande célérité que des artisans de la Révolution tranquille ont balayé d’un revers de la main ces acquis séculaires attribuables aux générations précédentes.
Deuxièmement, sur la vitesse avec laquelle s’est installée par la suite une bureaucratie de plus en plus tentaculaire, infiltrant progressivement tous les milieux de la santé, multipliant les postes administratifs, les règlementations, le tout régi par des organigrammes de plus en plus complexes.
Tout ceci sous le regard administratif et complaisant de plusieurs milieux, notamment universitaires et syndicaux, les uns et les autres y voyant leur profit.
Peu à peu s’est donc installée une inertie paralysante, un manque manifeste d’esprit d’initiative et aussi une fonction publique de plus en plus boursouflée et dont les cadres supérieurs, souvent imbus d’eux-mêmes, se sont assujettis à l’autorité ministérielle.
Actuellement, avec le ministre Barrette, la boucle est bouclée : c’est une dictature de style stalinien qui s’impose et s’installe.
Troisièmement, sur l’absence sur la place publique d’interventions dénonciatrices de la part des intervenants habituels comme la CSN et le FTQ et même l’Association des cadres supérieurs de la santé et des services sociaux devant les effets néfastes de ces changements structurels absolument incompréhensibles et indéfendables et qui affectent en profondeur dans leur vie professionnelle et personnelle la population ainsi que les divers professionnels et travailleurs de la santé.
Je m’interroge sérieusement sur leur silence et les raisons de ce silence. Qu’attend-on pour réagir avant qu’il ne soit trop tard ? On connaît la locution « comme un éléphant dans un magasin de porcelaine », qui implique qu’un éléphant errant dans un magasin de porcelaine causerait beaucoup de dégâts s’il y était laissé à lui-même !
Ici, l’éléphant est bien précisé par M. Castonguay. Il s’agit de la centralisation excessive des pouvoirs entre les mains du ministre, du chambardement stérile des structures et d’un épuisant remaniement du personnel.
Le système est muselé et la crainte des représailles est omniprésente. Conséquemment, l’éléphant est dans le magasin de porcelaine et il continue tranquillement son œuvre de destruction sans aucun empêchement.
Qu’attend-on pour réagir avant qu’il ne soit trop tard ?