MONTRÉAL — Plusieurs aînés pourraient souffrir sans le savoir d’une déficience en vitamine B12, prévient une nouvelle étude québécoise.
Le problème serait toutefois très facile à régler, simplement en augmentant la consommation de produits laitiers au-delà de ce qui est actuellement recommandé officiellement.
«On a voulu voir quelle est l’association entre ce que les gens mangent et le risque d’être atteint d’une déficience en vitamine B12. Et ce qu’on a trouvé était vraiment intéressant», a résumé la professeure Nancy Presse, du département des sciences de la santé communautaire de l’Université de Sherbrooke.
L’étude a été réalisée auprès d’une cohorte de quelque 1750 personnes âgées en santé qui ont été suivies pendant quatre ans. Après avoir analysé des échantillons de sang et d’urine, les chercheurs ont constaté qu’entre 10 et 13 % de leurs sujets présentaient une déficience en vitamine B12.
Santé Canada recommande actuellement aux aînés de consommer 2,4 microgrammes de vitamine B12 par jour, a rappelé Mme Presse. Toutefois, poursuit-elle, ses collègues et elle ont mesuré que c’est seulement à partir de 4,8 microgrammes par jour ― soit deux fois plus que la recommandation officielle ― qu’on commence à constater une réduction marquée du risque de déficience.
«Le deux point quatre, c’est vraiment trop faible, tout le monde est pas mal d’accord là-dessus, a-t-elle dit. Si on regarde les études et les travaux à travers le monde, souvent on va suggérer entre 5 et 10 microgrammes.»
De plus, a dit Mme Presse, Santé Canada recommande aux aînés de prendre un supplément ou de consommer des aliments enrichis en vitamine B12, comme les boissons de soya. Le hic, c’est que ces aliments sont extrêmement rares au pays. Et de toute manière, il n’est pas nécessaire de passer par les suppléments ou les aliments enrichis pour éviter le problème, rappelle-t-elle.
La vitamine B12 se retrouve dans des aliments d’origine animale comme la viande, la volaille, le poisson, les fruits de mer, les œufs et les produits laitiers. Les chercheurs ont donc voulu savoir si certains aliments avaient un impact plus que d’autres sur la réduction du risque de déficience.
Puisque l’absorption de la vitamine B12 nécessite du calcium, et comme les produits laitiers sont riches en calcium, Mme Presse avait formulé comme hypothèse de départ que ce sont ces produits qui pourraient avoir l’impact le plus marqué ― «et c’est effectivement ce qu’on a vu», a-t-elle dit.
«C’est le seul groupe d’aliments qui sortaient comme ayant un impact sur la diminution du risque de déficience», a-t-elle précisé.
Cela pourrait vouloir dire que les produits laitiers ― qui ont été complètement évacués lors de la refonte du Guide alimentaire canadien pour être regroupés avec les aliments protéinés ― ont une importance particulière pour les personnes âgées, non seulement en ce qui concerne la vitamine B12, mais aussi pour le calcium, la vitamine D et les protéines, a dit Mme Presse.
La déficience en vitamine B12 détectée chez entre 10 et 13 % des membres de la cohorte est «énorme», estime-t-elle, et ne devrait pas être aussi élevée puisque tous les sujets étaient en santé.
Les chercheurs ont été en mesure de relier le problème à des habitudes alimentaires bien précises. Ils ont constaté qu’un apport d’environ 1,6 microgramme de vitamine B12 sous forme de produits laitiers est suffisant pour induire une réduction importante du risque de déficience, de l’ordre de 50 à 60 %.
«Un point six microgramme, c’est un gros verre de lait, donc c’est facile, a dit Mme Presse. Ce ne sont pas des quantités astronomiques. Une à deux portions de produits laitiers par jour serait probablement suffisant pour induire une diminution marquée du risque de déficience en vitamine B12 chez les personnes âgées.»
Et il se pourrait même que les chiffres ne fassent pas justice à l’ampleur réelle du problème. Quand les chercheurs ont analysé leurs données, ils en sont venus à la conclusion que, possiblement, tout au plus 30 % des personnes âgées consomment suffisamment de vitamine B12 pour éviter une déficience.
Plusieurs facteurs, comme la prise de médicaments et le vieillissement de la muqueuse de l’estomac, expliquent probablement le risque de déficience plus élevé chez les aînés.
«On pense que les besoins augmentent, justement en vieillissant, parce que l’absorption est de moins en moins efficace, a dit Mme Presse. Donc, peut-être que le 2,4 microgrammes est correct quand on a 30 ans, mais plus quand on a 70 ans.»
Le diagnostic d’une déficience en vitamine B12 passe habituellement par une prise de sang. Les premiers symptômes pourront prendre la forme de fourmillements et d’une perte de sensibilité aux extrémités, puisque la déficience endommage la gaine qui enveloppe les nerfs.
L’étude a été publiée dans l’édition de novembre du Journal of Nutrition, qui en a fait le choix de l’éditeur pour ce numéro.