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Proches aidants: des millions d’heures non payée

Manquer du temps de travail, s’inquiéter pour son emploi, perdre des revenus et des occasions d’avancement, c’est le lot de plusieurs proches aidants, des « travailleurs » essentiels qui fournissent 5,7 milliards d’heures non rémunérées chaque année au pays.

VALÉRIE LESAGE, JOURNAL DE QUEBEC

Un rapport du Centre canadien d’excellence pour les aidants, rendu public à la fin de 2022, met en lumière la valeur du travail accompli par les proches aidants, qui équivaut à trois fois les dépenses canadiennes en soins à domicile, soins communautaires et soins de longue durée. Le rapport note aussi l’épuisement des proches aidants et plaide pour des mesures de soutien à ceux qui tiennent à bout de bras un « système de fortune ».

Comme sa sœur, Marie-Diane Perron est proche aidante depuis 12 ans pour leur mère de 77 ans en chaise roulante et atteinte de dégénérescence maculaire. Le matin de notre entrevue, Marie-Diane avait dû mettre de côté ses tâches professionnelles parce qu’elle venait de perdre l’aide familiale qui préparait les repas et s’occupait des tâches ménagères de sa mère. 

« Ma fille se cherche un travail et serait prête à faire ça, mais je pense qu’on n’aura plus d’aide financière parce qu’elle est de la famille. Il faudrait qu’elle fasse ça bénévolement du fait que c’est sa grand-mère ? » se demande la dame, inquiète.

En général, Marie-Diane consacre trois heures par semaine sur son temps de travail pour accompagner sa mère à des rendez-vous médicaux. Comme l’état de santé de celle-ci se dégrade, il faut piger dans les congés de maladie et les vacances pour répondre aux besoins. 

« On a d’excellents employeurs ma sœur et moi, qui nous permettent de consacrer du temps à notre mère. Je n’ose pas imaginer la vie des gens qui n’ont pas cette flexibilité et notre capacité monétaire », raconte-t-elle, tout en admettant ressentir une grande fatigue, car l’aide ne se limite pas à des rendez-vous à l’hôpital.

Rêver de soutien

La charge mentale accumulée depuis des années pour cette maman qui a aussi perdu un fils devient si grande que Marie-Diane a renoncé au rôle de gestionnaire qu’elle aimait pourtant beaucoup. Elle occupe maintenant des fonctions de rôle-conseil. 

Chez Info-Aidant, une ligne d’écoute et d’information pour les proches aidants, le nombre d’appels augmente chaque année depuis 10 ans.

« Le besoin le plus criant est le soutien financier direct parce que ce rôle d’aidant condamne à un certain appauvrissement. Les gens paient de leur poche de l’équipement, des services, etc. », explique la directrice, Julie Bickerstaff. 

Au Québec, un crédit d’impôt est disponible aux proches aidants, mais aucune allocation directe.  

Neuf mois après le décès de sa mère, Josée peine à retrouver sa santé et reprend son travail aux ventes de manière progressive. 

Depuis plusieurs années, elle accompagnait sa mère à la santé fragile. En début d’année 2022, quand un cancer avancé a été diagnostiqué, elle a d’abord pris des vacances pour l’aider. Et quand sa mère est entrée en maison de soins palliatifs, personne n’imaginait que ça durerait un mois et demi.

« Ce n’était pas clair que j’avais une assurance court-terme avec mon employeur et je me suis demandé ce qui allait se passer avec mon avenir. Est-ce que j’allais perdre mon emploi ? J’étais anxieuse, mais convaincue que ma place était auprès de ma mère », raconte Josée avec émotion.

Finalement, elle a eu droit à des revenus qui ont représenté le quart de son salaire, payés des mois plus tard. Un manque à gagner dont les impacts s’ajoutent à tous les frais payés pour des repas à domicile et d’autres besoins avant la phase terminale.

Épuisée après le décès de sa mère, Josée, qui avait vu à tout pour son bien, dit être tombée à genoux. Elle n’a pas pu reprendre son travail avant l’automne. Elle avait vécu plusieurs deuils de proches dans les deux années précédentes, l’effet de ressac a été fort. 

Maintenant, c’est un beau-parent qui lui demande du temps. Victime d’un AVC durant les fêtes, ses capacités sont fortement diminuées. 

« Même si sa maison n’était pas encore adaptée, on a voulu le sortir l’hôpital », raconte Josée, fatiguée de devoir se battre pour que les services soient donnés. 

Les gens se noient

« Notre société ne voit pas que les gens se noient. Il n’y a pas beaucoup de bouées lancées et il faut faire beaucoup de démarches pour trouver des services », dit-elle.

Elle souhaiterait que les employeurs se montrent compréhensifs et aient un plan, avec de bonnes assurances collectives, pour soutenir les proches aidants dans une société vieillissante. 

Source: Journal de Québec

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