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Québec échoue à recruter des préposés aux bénéficiaires à l’étranger

Avec la pénurie de main-d’oeuvre qui plombe le réseau de la santé au Québec, le gouvernement de François Legault propose notamment de se tourner vers l’étranger pour attirer du personnel qualifié. Des données obtenues par La Presse canadienne démontrent toutefois que l’expérience des préposés aux bénéficiaires a été un lamentable échec.

Au printemps 2020, Québec promettait de recruter 550 préposés aux bénéficiaires par année à l’étranger. Bilan de l’opération ? Le programme pilote en immigration mis sur pied pour l’occasion n’a sélectionné jusqu’ici que 78 candidats, a-t-on appris dans des documents obtenus grâce à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics.

Lors d’une conférence de presse largement médiatisée, le 28 mai 2020, alors que la COVID-19 faisait des ravages dans les CHSLD du Québec, le ministre de l’Immigration de l’époque, Simon Jolin-Barrette, avait déclaré : « Avec le programme pilote, nous envoyons un signal clair. Nous visons la sélection de 550 préposés aux bénéficiaires annuellement, car les besoins sont urgents. »

L’ancien ministre de l’Immigration, aujourd’hui à la Justice, avait alors affirmé que le programme serait déployé en moins d’une semaine : il s’est finalement écoulé près d’une année avant qu’il soit véritablement lancé.

Et les résultats sont loin des cibles annoncées. Depuis le 31 mars 2021, ce sont 210 candidatures qui ont été reçues, dont 197 pour le volet « travail ». Puis, parmi ces demandes, seuls 78 candidats ont été sélectionnés par Québec. Dans le cas du volet « études-travail », les informations sur le nombre de candidatures retenues ont été caviardées. Le ministère a évoqué la protection des renseignements personnels pour ne pas divulguer ce chiffre, ce qui signifie que les données sont si faibles qu’elles pourraient permettre d’identifier les personnes concernées.

Le ministère se défend

Invité à expliquer les insuccès du programme, le ministère de l’Immigration a d’abord tenté de minimiser l’échec en présentant le nombre de 550 comme « un seuil maximum » plutôt qu’une cible, contredisant ainsi l’ancien ministre Jolin-Barrette. On soutient aussi que le programme « s’inscrit dans le cadre de différentes initiatives ». Or, ces dernières n’ont pas permis un rapprochement par rapport à cet objectif.

La seule véritable vague d’embauche massive est due au Programme spécial des demandeurs d’asile en période de COVID-19, dont l’objectif était de récompenser celles et ceux surnommés « les anges gardiens » par le premier ministre François Legault au plus fort des premières vagues de la pandémie. À lui seul, ce programme a permis de régulariser le statut de 1643 personnes entre le 31 mars 2021 et le 31 décembre 2022. Il s’agit cependant de personnes qui travaillaient déjà dans le réseau et non pas de main-d’oeuvre supplémentaire.

Parallèlement aux efforts du ministère de l’Immigration, le ministère de la Santé compte sur son propre service de chasseurs de têtes à l’étranger, Recrutement Santé Québec. Encore là, les données obtenues par La Presse canadienne indiquent qu’on est bien loin des centaines de préposés aux bénéficiaires venant à la rescousse des aînés dans les CHSLD.

Depuis l’année 2019-2020 (les données étant compilées du 1er septembre au 31 août), ce sont 282 préposés aux bénéficiaires qu’on a réussi à attirer au Québec. De plus, la forte majorité de ces travailleurs — 185 — ont été recrutés au cours des derniers mois.

Les oppositions demandent d’agir

Devant ce qu’ils qualifient d’échec criant, les partis d’opposition à Québec réclament des gestes concrets.

Le porte-parole libéral en matière de santé, André Fortin, parle d’une situation « particulièrement désolante » puisque le défi numéro un dans le réseau de la santé est précisément d’attirer du personnel qualifié. « Toutes les juridictions l’ont compris ! C’est pour ça que l’Ontario et le Nouveau-Brunswick ont des campagnes agressives de recrutement de nos professionnelles québécoises, a clamé le député de Pontiac. Et pendant ce temps-là, on dirait que la CAQ [Coalition avenir Québec] regarde le train passer. »

André Fortin dénonce d’ailleurs le fait que le gouvernement n’ait pas dit un mot publiquement au sujet des ratés du programme de recrutement. « S’il faut le changer le programme, changeons-le. S’il faut modifier les critères, modifions-les. S’il faut viser des pays différents, visons ailleurs. Mais Christian Dubé et Christine Fréchette ne peuvent pas rester les bras croisés », demande le porte-parole libéral.

Du côté de Québec solidaire, on estime que « la CAQ est rattrapée par son incohérence en matière d’immigration et de santé ».

« D’un côté, on dit qu’on veut recruter massivement et très rapidement à l’international les gens dont on a besoin », note le porte-parole du parti en matière de santé, Vincent Marissal. Et de l’autre, la CAQ continue de « toujours suspecter l’immigration d’être la cause principale des problèmes sociaux et linguistiques au Québec », dit-il. D’autant qu’il faut avoir des postes attrayants à offrir pour attirer de la main-d’oeuvre compétente, poursuit M. Marissal. « Pour recruter des gens — pour les déraciner, les forcer à l’exil, en quelque sorte —, ça prend quand même de bons arguments de vente… »

Pour le Parti québécois, ce programme est « un lamentable échec », a déclaré son porte-parole en matière de santé, Joël Arseneau. « Si les conditions de travail médiocres ne changent pas et que les délais de traitement en matière d’immigration sont toujours aussi longs, on ne peut pas espérer que des travailleurs étrangers souhaitent venir travailler dans le réseau de la santé. »

En consultant le tableau de bord du ministère de la Santé, on constate que la pénurie de préposés aux bénéficiaires continue de s’aggraver. Au moment de l’entrée en vigueur du programme de recrutement à l’étranger, en juin 2021, il manquait 2703 préposés dans le système de santé. Selon les plus récents chiffres disponibles, au 17 décembre 2022, on en cherchait 4258.

Source: Le Devoir

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