Bien que Québec souhaite un grand virage vers les soins à domicile, les médecins qui œuvrent dans le domaine estiment qu’ils sont moins bien payés que les autres omnipraticiens, un problème que la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) tente de régler.
Davide Gentile – Radio-Canada
L’infirmière Hélène Lefebvre et la Dre Éveline Gaillardetz font partie de l’équipe de soins à domicile du CLSC de Verdun.
Pour ces deux professionnelles de la santé qui rendent visite à un couple de personnes âgées, le principal objectif de ces soins est d’éviter autant que possible de les hospitaliser.
« L’autre fois, il est tombé et je n’étais pas capable de le soulever », lance la dame de 76 ans au sujet de son mari.
« Ce serait bon d’utiliser la marchette », conseille l’infirmière Hélène Lefebvre.
On diminue les risques de contracter des infections à l’hôpital en les gardant à la maison.
La prise en charge à domicile est exactement ce que prêchent les différents ministres de la Santé depuis une vingtaine d’années au Québec. Mais les médecins qui prodiguent des soins à domicile décrient leurs conditions de pratique.
Pour une meilleure rémunération
La plupart de ces médecins sont moins payés que les autres omnipraticiens.
« La norme est le 500 patients. Si on a 500 patients et plus, on a une rémunération plus importante que si on a moins de 500 patients », explique la médecin Christiane Martel, qui fait des soins à domicile en Montérégie.
Une journée typique à domicile, un médecin va voir 6 ou 7 patients. En cabinet, c’est possible d’en voir 20 ou 25.
Plusieurs médecins qui font des soins à domicile n’arrivent pas à inscrire 500 patients. Ils perdent donc la bonification prévue par la FMOQ.
Un bon nombre d’entre eux estiment que le tarif de 130 $ par visite à domicile est trop bas, puisqu’avec les déplacements, ces visites prennent entre une et deux heures, soit beaucoup plus de temps que les visites de 15 à 30 minutes en cabinet.
Éveline Gaillardetz calcule qu’elle gagne entre 15 % et 20 % de moins sur la route par rapport à un travail en cabinet. Cette estimation a été confirmée par quatre autres médecins contactés par Radio-Canada et qui prodiguent des soins à domicile.
Vers une solution
La FMOQ a bonifié certains honoraires de soins à domicile. « On a augmenté le tarif de 50 % », affirme son président Louis Godin au sujet du tarif pour la visite à domicile. Son organisation reconnaît toutefois le problème des médecins qui ont moins de patients en raison de leur pratique à domicile et compte présenter à très court terme une solution.
Le médecin qui n’aurait pas 500 patients, mais, disons 400 patients et qui voit un certain nombre de patients à domicile, eh bien, il y aura une pondération pour tenir compte du fait que c’est un travail qui prend plus de temps.
Le Dr Godin affirme que ces ajustements seront rétroactifs. Selon lui, ce n’est pas l’argent, mais l’appui offert aux médecins qui est insuffisant. « C’est la travailleuse sociale, c’est l’infirmière. Ça prend tout ça » dit-il.
Plusieurs sources confirment que le niveau d’organisation varie du pire au meilleur d’une région à l’autre. « Je vois des médecins qui font des soins à domicile sans aucune aide », confirme la Dre Gaillardetz.
Lourdeur administrative
Même chez les autres professionnels en soins à domicile, des irritants existent. La reddition de comptes en fait partie. « Une infirmière peut passer 50 % de sa journée à faire de la reddition de comptes », dit l’infirmière Hélène Lefebvre.
La lourdeur des exigences administratives est aussi dénoncée par certains travailleurs sociaux.
La situation n’est pas critique au point de parler d’exode du secteur des soins à domicile, mais des ajustements semblent urgents.
« Dans la dernière année, j’ai des collègues qui ont quitté les soins à domicile pour faire plus de soins en cabinet », dit Christiane Martel, médecin en soins à domicile en Montérégie.
Une autre menace pèse sur les omnipraticiens. En effet, la loi 20 prévoit que 85 % des Québécois doivent être inscrits auprès d’un médecin de famille d’ici la fin de l’année. Sinon, la rémunération des médecins avec moins de 1000 patients serait amputée.
Gaétan Barrette appuie le fait que les médecins qui offrent des soins à domicile aient une rémunération concurrentielle. « Si elle ne l’est pas, des travaux seront faits pour corriger la situation », dit le ministre de la Santé, qui pense que le défi de fond dans le dossier des soins à domicile reste l’argent.
Le budget actuel en soins à domicile au Québec est de 1,3 milliard de dollars. Selon M. Barrette, il faudrait idéalement investir 4 milliards de plus chaque année pour subvenir à la totalité des besoins en soins à domicile.