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Une caméra dans chaque chambre des maisons des aînés au Québec

Le personnel pourra surveiller les résidents sans se déplacer et faire des évaluations. L’installation de caméra suscite néanmoins un malaise chez les comités d’usagers et les infirmières.

THOMAS GERBET, RADIO-CANADA

Le gouvernement va doter chaque chambre des maisons des aînés d’une caméra de surveillance, révèle un appel d’offres publié le 29 août. Québec assure qu’elles ne seront pas activées en tout temps et qu’il ne s’agit pas d’un outil pour pallier le manque de personnel. Mais les principaux intéressés s’interrogent.

Le descriptif pour les soumissionnaires indique que, grâce à ces caméras, le responsable de l’accueil peut faire une tournée visuelle des chambres avec une tablette et effectuer des visites physiques au besoin la nuit.

Le document de l’appel d’offres précise que la caméra sera posée au plafond de la chambre, face au lit, avec la possibilité de tourner à 360 degrés. L’appareil sera équipé d’un système infrarouge à rayon de diffusion large et d’un microphone.

En plus de la surveillance visuelle, les chambres des maisons des aînés seront équipées pour de la surveillance acoustique et de la détection de mouvements.

Je tombe en bas de ma chaise, je n’avais jamais entendu parler de ça, réagit le conseiller stratégique au Regroupement provincial des comités d’usagers (RPCU) Marc Rochefort. Il regrette de ne pas avoir été invité à discuter de ce sujet avec le gouvernement et il se demande si cette décision émane d’un quelconque avis scientifique.

Déjà, en CHSLD, des familles ont installé des caméras dans les chambres de leur proche, sur une base individuelle, pour prévenir des cas de vols ou de maltraitance qui font souvent la manchette, comme les dernières allégations concernant les Floralies de LaSalle et Lachine.

Au Québec, depuis 2018, la loi permet d’utiliser une telle caméra, mais elle ne doit pas filmer en continu, à moins d’un sérieux doute pour la sécurité de l’usager.

Il ne faudrait pas qu’on s’en serve à outrance, prévient Marc Rochefort, en se basant sur des expériences en CHSLD.

« On a vu que ça a changé l’attitude de bon nombre d’employés et de bénévoles. Certains allaient au minimum dans les chambres [équipées de caméras] par peur d’être filmés. »— Une citation de  Marc Rochefort, conseiller stratégique au Regroupement provincial des comités d’usagers

Le ministère de la Santé et Service sociaux du Québec assure que le résident ou son représentant légal aura son mot à dire et les caméras seront dotées d’un interrupteur pour les éteindre depuis la chambre.

« Les caméras ne seront activées que lorsque requis au plan d’intervention du résident et que lorsque les conditions liées au consentement légal seront rencontrées. »— Une citation de  Noémie Vanheuverzwijn, porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS)

Ce n’est absolument pas un outil permettant de pallier le manque de personnel, assure le MSSS. L’utilisation de la caméra doit uniquement servir comme moyen clinique permettant notamment d’analyser une situation et de planifier l’intervention en conséquence ou de mieux répondre aux besoins des résidents.

Mais Paul Brunet, porte-parole du Conseil pour la protection des malades, se questionne sur l’efficacité de cette mesure.

« Pour installer des caméras, il faut quelqu’un qui regarde les écrans. Et le personnel est déjà débordé. »— Une citation de  Paul Brunet, porte-parole du Conseil pour la protection des malades

« Rappelons le décès tragique de la mère de Gilles Duceppe qui est sortie par grand froid de la résidence Le Lux, ajoute-t-il. On la voyait sortir dans les écrans de surveillance, mais personne n’était au poste pour la voir dans les écrans ou pour intervenir. »

Le ministère de la Santé justifie sa décision

Québec pense que ces caméras permettront d’offrir une vigie plus serrée des résidents qui font de l’errance, par exemple.

Aussi, le MSSS affirme qu’elles seront utiles dans la prévention, l’objectivation et l’analyse approfondie des symptômes comportementaux et psychologiques de la démence ou l’analyse des causes environnementales ayant mené à une agitation ou une désorganisation ponctuelle chez le résident.

Le ministère explique que les caméras pourraient aussi servir après un événement, comme une chute, pour en analyser les causes et les conséquences.

Des syndicats réclament des balises

La Fédération interprofessionnelle de la santé et la FIQ-Secteur privé s’interrogent sur le plan légal, mais aussi clinique. Non seulement il y a des balises à respecter, mais il faut des motifs raisonnables pour installer de tels appareils, expliquent les syndicats d’infirmières, par courriel.

« Nous devons nous assurer du respect de la vie privée des résidents, celle des professionnelles en soins, mais aussi des lois. Il ne faudrait surtout pas penser qu’une caméra puisse se substituer d’une quelconque manière à une professionnelle en soins. »— Une citation de  Déclaration de la FIQ et la FIQP

C’est un dossier que nous continuerons à suivre de près, affirment les syndicats, qui n’étaient pas non plus au courant du projet.

Par ailleurs, le Regroupement provincial des comités d’usagers se demande si toutes les chambres des CHSLD du Québec seront aussi dotées de caméras.

Si c’est bon pour les futurs usagers des maisons des aînés, pourquoi ça ne serait pas bon pour nos usagers actuellement hébergés en soin de longue durée [CHSLD], dans nos 40 000 lits au Québec?, demande Marc Rochefort.

Pour l’Association des CHSLD privés non conventionnés, l’idée n’est pas nécessairement mauvaise. Ce qui est inquiétant, selon son président Paul Arbec, c’est « que nous sommes rendus là comme société ».

« Malheureusement il y a eu trop de situations d’abus et de négligences dans le réseau de la santé public et privé non conventionné […] Une triste réalité. »

Source: Radio-Canada

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