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Vieillir à la maison

Le Québec est l’un des États occidentaux qui consacrent le moins de ressources au soutien à domicile. À la grande tristesse de milliers d’aînés qui ne souhaitent qu’une chose : demeurer dans leur résidence jusqu’à la fin, ou presque.

MARIE-HÉLÈNE PROULX, L’ACTUALITÉ

Un sandwich toasté, beurré juste d’un côté, avec une tranche Singles de Kraft et du miel McCaig ; deux pruneaux, la moitié d’une banane, un morceau de cheddar vieilli, un morceau de camembert et une grosse cuillerée de compote de pommes. J’assiste au montage de l’assiette de grand-maman, dont le déjeuner est exactement le même depuis des temps immémoriaux. « Très important : il faut couper le sandwich en six morceaux », précise mon oncle Gérald, sourire en coin. La routine est bien huilée, il a tout prévu avant de partir travailler — verre d’eau, médicaments, vitamines, mouchoirs de papier. 

Pendant ce temps, Charlotte, mon aïeule de 96 ans, attend son festin dans la chaise berçante de la cuisine, encore dans la brume après un lever laborieux. Elle a mis une demi-heure à enfiler son pantalon et l’une de ses éternelles blouses fleuries — je l’entendais bardasser à l’étage, souffrante mais déterminée à s’habiller seule. « Mes os me disent d’arrêter de les achaler, ils trouvent qu’ils ont assez donné », ironise la presque centenaire, déchirant de ses mains constellées de taches brunes l’enveloppe d’un timbre de nitroglycérine.

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