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Des plaies de lit à faire tourner de l’œil: «Ça ressemble à de la négligence»

Yves Thibodeau est catastrophé. À 90 ans, sa mère vient d’entrer à l’hôpital pour une infection urinaire qui se complique. Or, à son admission, le personnel découvre que la dame présente des plaies de lit purulentes au pourtour de l’anus et de la région génitale. Le fils se demande comment les soignants du CHSLD ont pu laisser la situation se dégrader à ce point, et surtout, ne pas l’en aviser. «C’est comme s’ils avaient voulu me cacher quelque chose.» Les photos qu’il produit pour appuyer ses dires font peine à regarder.

SÉBASTIEN HOULE, LE NOUVELLISTE

Denise, la mère de M. Thibodeau, est aux prises avec une infection depuis environ deux semaines. Assidu à son chevet depuis qu’elle habite la résidence Saint-Maurice à Shawinigan, le fils est à l’affût des observations du personnel infirmier.

«Est-ce qu’elle fait de la température? Est-ce qu’elle fait des selles? Est-ce qu’elle a surtout des points de pression dans le dos, au niveau du siège, tout ça? Mais quand on posait des questions, on avait tout le temps les mêmes réponses: ‘‘c’est correct, c’est correct!’’»

Non seulement on se fait rassurant, mais on fait aussi sentir au fils que ses questions sont insistantes et entravent un peu la routine, semble-t-il. «J’ai quand même le droit de savoir, je suis son fils.»

Puis l’état de santé de la maman se dégrade. Les antibiotiques ont peu d’effets. L’infection urinaire paraît gagner les fonctions rénales.

M. Thibodeau raconte avoir pris le parti de demander un transfert à l’hôpital, malgré les allusions du personnel à l’éventualité des soins palliatifs. «Ils voulaient pas la laisser partir, dans un sens… Ils ont été harcelants envers moi, mais ils ne m’ont jamais dit la vérité», avance celui qui parle ouvertement de négligence et de maltraitance.

C’est en changeant la dame de culotte que les soignants découvrent l’étendue des plaies de lit qui affectent la patiente.

«C’est rendu à l’extrême, c’est pratiquement dans les parties génitales, il y a deux grosses ampoules… Il y en a une qui a éclaté à matin, c’est des brûlures, c’est inhumain d’avoir laissé ma mère dans cette condition-là.»

Yves Thibodeau soutient que même les professionnels de l’hôpital étaient estomaqués de constater l’ampleur des maux qui affligent sa mère. «Cette femme-là souffre le martyre», déplore-t-il.

Au-delà de sa peine et de la colère, le fils de Denise a perdu toute confiance dans le personnel soignant du CHSLD Saint-Maurice. «Même les gestionnaires devaient être au courant, ça ne se peut pas…», laisse-t-il tomber. Tandis que sa mère prend un peu de mieux, il ne sait trop comment envisager la suite des choses. «Je ne veux plus qu’elle retourne là, je ne veux plus… Le lien de confiance était effrité avant, mais là, il n’y en a plus».

Yves Thibodeau a contacté un avocat et étudie ses options. «Je ne veux plus revivre ça. Ni moi ni personne», répète le malheureux. Il espère que la classe politique se sentira interpellée par ce qu’il persiste à qualifier d’acte de négligence, commis en toute connaissance de cause. «C’est terrible», murmure-t-il encore.

Un historique difficile

Yves Thibodeau n’en est pas à ses premières difficultés avec le CHSLD Saint-Maurice. Au printemps 2021, la direction du centre d’hébergement l’avait sommé d’arrêter d’aider sa mère à se lever pour faire ses besoins sur une chaise bassine. Le fils s’était alors adjoint les services de l’avocat François-David Bernier. Ce dernier est à nouveau sollicité dans la présente affaire.

«Il m’a contacté, et quand j’ai vu ça, je me suis dit que c’est scandaleux, ça n’a pas de sens», commente le juriste.

«En 2021, ça avait été réglé, je n’avais pas de nouvelles depuis, mais là, ce qu’on voit, ça ressemble à de la négligence», continue Me Bernier.

L’avocat vient tout juste de recevoir les photos et évalue les différentes avenues possibles, même s’il constate de prime abord que «Monsieur a une cause».

Dans le litige précédent, Yves Thibodeau avait obtenu que le CHSLD revienne sur sa décision. Aucune somme ni dédommagement n’aurait alors été consenti.

Dans le cas présent, une poursuite n’est pas exclue, note Me Bernier. «Il y a un problème, il semble y avoir un problème… On va prendre des procédures, puis on va étudier le dossier, indique-t-il. Mais quand on regarde ça, c’est troublant.»

Le CIUSSS évoque une version «différente»

Appelées à commenter la situation, les autorités sanitaires invoquent les règles de confidentialité et s’abstiennent d’entrer dans les détails du dossier. «Après vérification des faits, ceux-ci démontrent que la situation est différente que celle qui nous est rapportée», nous a-t-on néanmoins écrit en fin de journée lundi.

«Notre personnel s’affaire chaque jour à offrir des soins et services sécuritaires et de qualité qui répondent aux besoins des résidents. Plusieurs familles du CHSLD Saint-Maurice nous témoignent d’ailleurs qu’ils apprécient l’engagement et les soins offerts à leur proche», insiste-t-on.

Des mécanismes de vigie sont en place pour «assurer de la qualité des soins et services offerts aux usagers», note encore l’équipe des communications du CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec.

«Dès qu’un résident est accueilli dans un CHSLD, nos équipes travaillent systématiquement en collaboration avec les personnes répondantes, par exemple la famille du résident, et ce tout au long du séjour. Lorsqu’un changement dans la situation d’un résident est constaté et que nous devons ajuster l’offre de service, nous discutons notamment avec les personnes répondantes, afin de bien leur expliquer la situation, les raisons et les nécessités de ce changement, pour assurer le bien-être du résident et obtenir un consentement libre et éclairé aux soins», maintiennent les autorités sanitaires.

Quant au cas spécifique des plaies de lit, on assure que le personnel soignant a les compétences nécessaires pour agir avec diligence dès qu’une problématique est détectée. «Toutes les rougeurs ou plaies observées sont rapportées à l’infirmière de l’unité. Celle-ci effectue par la suite l’évaluation et détermine, en collaboration avec d’autres membres de l’équipe au besoin, le plan de traitement. Celui-ci est alors inscrit au dossier et au plan de travail du résident. Pour les plaies plus complexes, des liens avec un spécialiste dans ce domaine sont possibles et effectués selon le besoin», précise-t-on.

Source: Le Soleil

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