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La réforme Dubé expliquée

Création de Santé Québec, obligations pour les médecins spécialistes, fusion de l’ancienneté syndicale… La réforme du ministre de la Santé, Christian Dubé, ratisse large. À la veille de la reprise de l’étude détaillée de l’imposant projet de loi, La Presse vous propose un résumé pour y voir plus clair.

Pièce maîtresse de son Plan santé, le projet de loi 15 déposé en mars par le ministre Dubé est costaud. C’est la plus importante réforme du deuxième mandat du gouvernement Legault. L’objectif est clair : revoir l’organisation du paquebot de la santé et des services sociaux pour le rendre plus efficace. Christian Dubé a promis de « shaker » les colonnes du temple. Le texte législatif – qui revoit de fond en comble la Loi sur les services de santé et les services sociaux – modifie la gouvernance du réseau public. Le but est d’en faire un « employeur de choix » et d’améliorer l’accès aux soins.

Le projet de loi 15 en bref

  • 1180 articles
  • 305 pages
  • 35 lois modifiées
  • 114 mémoires déposés lors des consultations

Création de Santé Québec

L’élément central du projet de loi 15 est la création de Santé Québec, une toute nouvelle société d’État, qui coordonnera le volet opérationnel du Ministère qui, lui, se concentrera sur la définition des grandes orientations et stratégies. Il s’agit d’une recommandation du rapport Clair, qui remonte à plus de 20 ans et qu’aucun gouvernement n’a voulu mettre en place. Santé Québec aura son conseil d’administration, comme Hydro-Québec, et sera dirigé par un PDG qui relèvera du ministre. En séparant les opérations des orientations, Québec veut que le Ministère retrouve son rôle premier de planification pour mieux répondre aux besoins populationnels.

Un employeur unique

Santé Québec deviendra l’unique employeur du réseau pour « diminuer la bureaucratie », ce qui signifie que l’ancienneté syndicale par établissement sera fusionnée pour « offrir une plus grande flexibilité » au personnel. Un travailleur pourra donc changer de région sans perdre son ancienneté. C’est un bouleversement dans le monde syndical : la loi fera passer les 136 tables de négociation actuelles à 4 tables nationales (une par catégorie d’emploi). Les établissements continueront d’être dirigés par un PDG, qui relèvera de Santé Québec. Ce sera la fin des acronymes CISSS et CIUSSS – qu’on remplacera par « Santé Québec – Estrie », par exemple.

Retour des gestionnaires « de proximité »

La nouvelle loi permettra de réembaucher plusieurs centaines de gestionnaires « de proximité » afin que chaque installation – du CLSC à l’hôpital – ait un directeur qui devra rendre des comptes. L’ex-ministre libéral Gaétan Barrette a reconnu qu’il avait aboli trop de cadres intermédiaires dans sa réforme, forçant le départ de près de 1300 gestionnaires en 2015. Le gouvernement Legault a déjà ramené des gestionnaires dans les CHSLD pendant la pandémie. La commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay, a recommandé au ministre Dubé d’établir la réelle marge de manœuvre de ces nouveaux gestionnaires s’il veut parler de décentralisation.

Obligations pour les médecins spécialistes

Dans sa réforme, Christian Dubé veut serrer la vis aux médecins spécialistes en liant leur permis de pratique à l’exécution « d’activités médicales particulières », comme pour les omnipraticiens. Ils seront soumis à des obligations de prise en charge et d’offrir une meilleure disponibilité, par exemple. La Fédération des médecins spécialistes du Québec ne s’y oppose pas sur le fond, mais réclame une entente négociée plutôt que cela soit inscrit dans la loi. Un bras de fer se profile, puisque de son côté, le ministre affirme que « la responsabilité populationnelle des médecins » est un « élément clé » du changement de culture qu’il veut opérer.

Les médecins écartés du pouvoir ?

Christian Dubé a affronté le printemps dernier un tir groupé des médecins spécialistes, des omnipraticiens et de leur ordre professionnel. Selon eux, les changements apportés à la gouvernance viennent les « écarter » des lieux décisionnels. Au centre de leurs griefs : la diminution du poids des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) dans l’organisation des soins et la « disparition » de la cogestion médicale. Les deux fédérations et le Collège des médecins demandent au ministre de reculer et de conserver intactes les responsabilités des CMDP – qui ne disposeraient plus d’un accès direct au PDG après la réforme.

La fin des C.A.

Le projet de loi 15 vient sonner la fin des conseils d’administration des CISSS et des CIUSSS pour laisser la place à de nouveaux conseils d’établissement. Après avoir entendu les critiques de Michel Clair, ex-président de la commission d’enquête qui a passé le réseau de la santé au crible en 2000, Christian Dubé a proposé d’amender le texte législatif pour ajouter une plus forte représentation d’élus municipaux à la table. Le maximum sera fixé à quatre personnes « provenant du milieu municipal du territoire desservi », alors que la mouture initiale n’en prévoyait qu’une. Il ajoute aussi deux places pour le personnel.

Moins de comités d’usagers

Autre élément de la réforme : la création d’un comité national des usagers. Or, la proposition ne fait pas l’unanimité chez les groupes représentant des usagers du réseau. Il est prévu qu’un comité des usagers soit institué pour chaque établissement de santé, alors qu’actuellement, plusieurs hôpitaux et CLSC disposent de leur propre comité. Le Conseil pour la protection des malades craint que la réforme se traduise par l’abolition de plusieurs dizaines de comités, ce qui viendrait « diminuer la présence de citoyens et, donc, de la démocratie ». M. Dubé envisage d’apporter des ajustements à cet aspect de sa réforme.

CE QU’EN PENSE L’OPPOSITION

«Le ministre de la Santé nous propose un projet de loi qui passe complètement à côté de la priorité numéro un en santé : le personnel, qu’il ne fait absolument rien pour attirer, pour garder. Il nous propose une réforme de structure.»

André Fortin, critique du Parti libéral du Québec en matière de santé

«Agence Santé Québec pourra donner des contrats à qui ils veulent, privé, public, c’est la porte ouverte, c’est le fantasme des Jean Charest et des Gaétan Barrette qui se réalise sous un projet de loi qui prétend faire de l’efficacité en santé.»

Vincent Marissal, critique de Québec solidaire en matière de santé

«Il peut y avoir là une façon pour le ministre de se désengager en disant : ‟Ce n’est plus moi qui éteins les feux, c’est Santé Québec”. Il va falloir travailler au projet de loi pour s’assurer que le ministre demeure imputable.»

Joël Arseneau, critique du Parti québécois en matière de santé

Source: La Presse

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