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Médecins spécialistes Cibles ratées, pénalités en vue

Tony Chouinard – La Presse – 18 décembre 2017

Québec — L’accès aux médecins spécialistes ne s’est pas amélioré comme le souhaitait le ministre de la Santé, Gaétan Barrette. Le tiers d’entre eux risquent maintenant de subir une pénalité financière parce qu’ils ratent des cibles de performance fixées par Québec.

Le ministère de la Santé prépare en ce moment un projet de règlement pour mettre en application les sanctions, conformément à la loi 20 sur l’accès aux soins de santé adoptée dans la controverse à l’automne 2015.

Il va de l’avant dès maintenant, car il est acquis que les spécialistes ne respecteront pas toutes les cibles de performance d’ici la date butoir du 31 décembre.

Selon une entente conclue en novembre 2015, les médecins spécialistes doivent atteindre, d’ici la fin de cette année, quatre cibles en vue de réduire les délais d’attente. S’ils ne le font pas, la loi 20 est mise en application. Et les médecins pris en défaut voient leur rémunération être amputée jusqu’à 30 %.

À la lumière des plus récentes données obtenues par La Presse, les médecins spécialistes ne respectaient pas trois des quatre cibles en date du 11 novembre.

C’est le cas en ce qui concerne la proportion des médecins qui mettent en priorité les patients en attente d’une opération depuis plus d’un an. Ils sont 63,6 % à le faire, alors que la cible est de 95 %.

   —>1963, nombre de patients qui sont en attente d’une opération depuis plus d’un an.

L’autre cible ratée porte sur l’accès aux consultations spécialisées. Quelque 55 % d’entre elles ont été réalisées dans les délais prescrits lorsqu’elles concernent des priorités cliniques inférieures à 28 jours. Or, la cible est de 90 %. Dans le cas des autres priorités cliniques, les résultats sont meilleurs : 73,6 %, tout près de la cible de 75 %.

Dernier ratage, moins significatif : près de 63 % des jours d’hospitalisation sont pris en charge par les spécialistes. La cible est de 65 %.

Les médecins spécialistes atteignent donc une cible. La moitié des demandes de consultation faites aux urgences est réalisée dans les deux heures, ce qui est supérieur à la cible de 40 %. Les demandes sont traitées dans les quatre heures dans une proportion de 75,7 %. C’est légèrement au-dessus de la cible de 75 %.

Comme au moins une cible ne sera pas atteinte le 31 décembre, la loi 20 entrera en application pour les spécialistes. Et le projet de règlement précisera la démarche.

Québec mesurera la performance de chaque spécialiste pour les trois premiers mois de 2018.

Un médecin qui ne respecte pas une cible au 31 mars subira une coupe de 10 % de sa rémunération totale du premier trimestre, selon le scénario sur la table à Québec. Ce sera 20 % pour un médecin qui rate deux cibles ; 30 % pour trois.

Qu’un spécialiste affiche un résultat plus ou moins près d’une cible n’a aucune importance, selon le scénario retenu. Le simple fait de l’avoir ratée entraînera une sanction.

Selon les estimations à Québec, environ le tiers des spécialistes, autour de 3500 médecins, est en voie d’être pénalisé, à moins d’un revirement de situation. Comme les pénalités seront imposées en fonction des résultats au 31 mars, les médecins présentement en défaut disposent d’une courte période de temps pour corriger le tir et échapper aux sanctions.

Le projet de règlement sera publié dans la Gazette officielle en janvier. Il sera soumis à une consultation d’une durée de 45 jours, comme le veut la procédure habituelle. Il entrera en vigueur par la suite.

La FMSQ met le Ministère en cause

La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) doute de la fiabilité des résultats au 11 novembre soumis à La Presse par le ministère de la Santé.

« Au 31 décembre, on avisera et on verra où on est rendu. Notre engagement est clair et connu, et on fait tout ce qu’on peut pour y arriver », affirme sa porte-parole, Nicole Pelletier.

Elle reconnaît néanmoins qu’au moins une cible ne sera « jamais » atteinte dans les conditions actuelles, celle concernant l’accès aux consultations spécialisées. « C’est par défaut du ministère de la Santé d’organiser les choses comme il faut », précise-t-elle.

Québec s’était engagé à déployer un centre de répartition des demandes de service (CRDS) pour 26 spécialités médicales. Or, il ne l’a fait que pour neuf spécialités à ce jour.

L’imposition de pénalités aux médecins qui ne respectent pas cette cible serait inconcevable, selon Mme Pelletier. « Surveillez-nous bien, si on essaie de nous faire porter l’odieux de choses qui ne sont pas arrivées par le défaut du Ministère ! […] On n’acceptera pas un tort qui ne nous revient pas. »

Dans une lettre envoyée le 29 septembre, la présidente de la FMSQ, Diane Francoeur, a demandé au ministre Barrette de « confirmer que la Fédération a respecté ses engagements » concernant l’accès aux consultations spécialisées. Elle fait valoir que les médecins de neuf spécialités ont bien collaboré aux CRDS, mais que cet outil n’est pas disponible aux autres.

« Pour être réalistes, nous devons reconnaître que l’évaluation de la cible finale propre à cette mesure, soit le 31 décembre 2017, ne pourra s’effectuer en fonction des cibles initiales prévues à l’entente » de novembre 2015, écrit-elle. Sa demande vise implicitement à ce que les membres de la FMSQ ne soient pas sanctionnés pour avoir raté la cible prévue.

La loi 20 en veilleuse pour les médecins de famille

Québec a mis la loi 20 en veilleuse dans le cas des médecins de famille. Gaétan Barrette a changé les règles du jeu en octobre pour leur permettre d’inscrire 85 % de la population du Québec d’ici la fin de l’année, comme il le leur demandait. Le ministre leur a permis de « préinscrire » des patients, c’est-à-dire d’inscrire des patients sans les avoir vus au préalable. L’atteinte de la première cible paraît ainsi acquise d’ici la date butoir du 31 décembre.

Les médecins de famille respectent déjà la deuxième cible fixée par Québec : atteindre un taux d’« assiduité » de 80 %. Ce taux correspond à la part des visites médicales faites par les patients auprès de leur médecin de famille. Il vise à vérifier l’accessibilité d’un omnipraticien auprès des patients qu’il a inscrits.

Les médecins de famille seront également visés par le projet de règlement en préparation. S’ils ne respectent plus l’une ou l’autre des deux cibles à l’avenir, la loi 20 sera mise en application, et ils seront pénalisés.

LES RÉSULTATS* EN UN COUP D’ŒIL

Priorisation des patients en attente d’une opération depuis plus d’un an

Cible : 95 %

Résultat : 63,6 %

Prise en charge de l’hospitalisation

Cible : 65 %

Résultat : 62,9 %

Consultations spécialisées

Cible pour priorités cliniques A, B et C : 90 %

Résultat : 54,9 %

Cible pour priorités cliniques D et E : 75 %

Résultat : 73,6 %

Consultations aux urgences

Cible pour moins de 2 heures : 40 %

Résultat : 50,9 %

Cible pour moins de 4 heures : 75 %

Résultat : 75,7 %

* En date du 11 novembre 2017

Source : ministère de la Santé et des Services sociaux

 

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